Je vous parlais l’autre jour de Arpon Basu, journaliste à Athlétique / Montréal qui proposait la création d’un poste de directeur de l’innovation qui se rapporterait directement au président Geoff Molson. Cette suggestion sous-entendait que la direction hockey de l’équipe menée par Marc Bergevin était trop conservatrice, qu’elle avait besoin d’une infusion d’idées nouvelles, et que ces nouvelles idées, parce que nouvelles, seraient forcément meilleures. Un tel constat implique beaucoup de suppositions non vérifiables.
Quand je vous avais parlé de cette suggestion de Basu, je vous avais référé à un article traitant d’un certain Jack Han qui a travaillé trois ans dans l’organisation des Maple Leaf au niveau du développement des joueurs. Ce jeune homme de 31 ans a une haute estime de lui-même et est convaincu de posséder la science infuse. Du moins, c’est ce qu’il projette lorsqu’on écoute ses propos. Tout ce préambule pour en arriver à dire que le fameux Jack Han était l’invité de la balado de Basu et Godin, Le Support Athlétique. Le gars vient d’écrire un livre sur le hockey et ses propos confirment, ni plus ni moins, qu’il est convaincu de s’y connaître plus que la direction actuelle du CH, et de probablement la grande majorité des DG de la ligue. Allez écouter l’épisode (en anglais). Ça vaut le coup pour bien comprendre comment une certaine caste de jeunes pensent en connaître plus que ceux qui les ont précédés.
Tu écoutes Han et tu te dis je vais allez voir le pipeline des Leafs et les jeunes joueurs de l’organisation pour voir les perles qu’ils ont développées, et qui n’auraient rien donné ailleurs, comme à Montréal avec son système de développement supposément inepte. Le problème c’est que si tu vas voir l’alignement des Leafs de l’an passé, il n’y a pas de perles qui seraient le fruit d’un développement plus efficace par des génies dans l’organisation des Leafs. Les quatre meilleurs attaquants sont trois choix top-10 (Matthews, Marner et Nylander), dont deux top-4, ainsi qu’un agent libre acquis à prix d’or (Tavares). En défense, le meilleur joueur (Reilly) a joué 14 matchs en carrière pour les Marlies, et le gardien a été acquis par voie de transaction. Toronto n’a rien à voir avec Boston, Tampa Bay ou Caroline, deux clubs qui ont ont vraiment repêché et développé des vedettes hors du top-10. Il n’y a pas de Pastrnak, Bergeron, Marchand, Kucherov, Point, Aho ou Slavin à Toronto. Alors je vois mal comment Han fait pour se croire si supérieur.
Ceci dit, à l’écouter dénigrer l’organisation du CH, je me rendais compte qu’au-delà de sa prétention injustifiée, il faisait une erreur fondamentale, une erreur faite par beaucoup trop de gens qui se veulent progressistes dans le milieu du hockey. Han, comme bien d’autres, surévalue de beaucoup l’importance du développement au hockey, une fois rendu au niveau professionnel. Le développement est critique au hockey mineur et au niveau junior, mais rendu au niveau professionnel les facteurs les plus importants qui mèneront un joueur au succès sont le talent et l’aptitude mentale à être un joueur de hockey professionnel. Les données le montrent, la ligue américaine est une ligue pour donner de l’expérience aux défenseurs et aux gardiens, de même qu’aux futurs attaquants de profondeur. Très peu d’attaquants offensifs passent par la AHL ou y font un long séjour. Le talent parle dès le début et c’est la clé de la réussite. Notre ami Han dans ses péroraisons avec Godin et Basu disait que Joel Bouchard était un bon coach de système, mais qu’il avait de la misère avec les joueurs de talent. Bizarrement, le seul joueur de grand talent offensif que Bouchard a eu en deux ans à Laval, Jesperi Kotkaniemi a inscrit 13 points en 13 matchs sous ses ordres, et ce à seulement 19 ans. Cet exemple est la preuve parfaite que c’est le talent qui compte. Bouchard a probablement aidé Kotkaniemi avec son jeu d’ensemble, mais ce n’est pas lui qui lui a montré à accumuler des points.
La clé du succès d’une organisation repose selon moi dans le volume et la qualité du repêchage. En d’autres mots ils faut accumuler des choix le plus possible et présenter un bon taux de succès. On sait d’avance que l’obtiendra pas un taux de succès de 100 %, même pas en première ronde. On sait que globalement, incluant tous les choix tardifs, on ne frappera même pas pour 40%. Mais un taux de succès de 25-30% lorsqu’on repêche 10 fois par année, comme le CH le fait dernièrement, peut faire toute la différence au final.
L’autre aspect critique pour obtenir du succès est une gestion efficace des actifs et de la masse salariale. À ce sujet je reviens toujours avec l’exemple de Bill Belichick coach en chef et DG des Patriots de la NFL. Belichick n’a jamais hésité à échanger un joueur trop tôt que trop tard, ou à le laisser partir comme UFA et ainsi obtenir un bon choix de repêchage compensatoire. La LNH, n’offre pas ce type de choix compensatoire pour le perte de joueurs comme agents libres. Le DG de la LNH doit donc être plus prévoyant et échanger le joueur qu’il ne gardera pas avant sa dernière saison. Cette recette a fait le succès immense des Patriots. Comme je le disais le système de la LNH est un peu différent, mais l’approche de Belichick peut facilement y être adaptée. Dans le cas de Bergevin ça veut dire chercher à conclure d’autres transactions du genre de celle conclue pour envoyer Max Pacioretty à Vegas avant sa dernière année de contrat. Entre prendre exemple sur Kyle Dubas, Johnny Chayka ou Bill Belichick, je sais quel exemple je déciderais de suivre. Bien sûr, Belichick a 67 ans, ça ne fait pas vraiment nouvelle vague, mais l’efficacité de la méthode a été bien démontrée. Le beauté pour le CH d’adopter une telle approche c’est que Bergevin a montré qu’il perdait très rarement une transaction. Il serait donc un bon candidat pour adopter une telle approche.
Pour ce qui est du développement, je ne dis pas que ça n’a pas son importance. Si Joel Bouchard peut produire un gardien #1 en Primeau en gérant bien son utilisation, de même que bien enseigner aux jeunes défenseurs, et aux attaquants de profondeur, il aura accompli son travail. Si d’aventure un attaquant plus offensif comme Ylonen émergeait au fil du temps, ce serait un bonus.