L’élastique du CH approche le point de rupture

Je n’ai pas aimé le match du CH hier. Le club avait l’air d’une équipe à bout de ressources. Les fragilités qu’on connaissaient déjà sont ressorties avec plus d’acuité, faiblesse chronique au cercle des mises en jeu, jeu offensif déficient, quatrième trio lent, troisième centre qui en arrache et perte de Petry qui se fait sentir. Aussi, Vegas était plus intense que Montréal et ils sont gros et physiques. Ajoutez à cela un Price qui a été bon par moment, mais qui a été à court de miracles. On a revu les «il n’y pouvait rien» ressortir. Je ne le blâme absolument pas, il n’a pas donné du but faible. Je souligne simplement qu’il est arrivé à court en terme d’arrêts de haut niveau, surtout au niveau de l’anticipation. Je souligne ça car sans cet apport de Price le CH n’a aucune chance. Ajoutez à cela que Vegas n’a pas perdu un de ses deux premiers centres pour une longue période pendant ce match, pas de coup de théâtre à la Tavares ou Scheifele.

Ceci étant dit, un match représente un faible échantillon. Rien n’est perdu, mais l’équipe aura besoin d’un regain collectif marqué et des joueurs comme Anderson et Gallagher devront se réveiller en produisant. Il s’agit des deux attaquants les mieux payés du club et ils sont sous contrat pour six autres années. Si ils continuent d’être des joueurs à l’impact marginal, ça n’augurera rien de bon pour la suite et ça confirmera les craintes par rapports aux généreux contrats qu’ils ont signés. Tatar doit se demander ce qu’il a fait de bien plus mauvais qu’eux. Paul Byron en est un autre qui n’a pas d’impact et qui n’a pas l’excuse d’avoir 20 ans. Ce club devra trouver une autre réserve de miracles pour progresser car la défensive de Vegas est de loin plus solide que celle de Toronto et particulièrement celle de Winnipeg et Price devra faire plus d’arrêts où plusieurs diraient qu’il n’y pouvait rien. C’est ce qui a permis au CH d’éliminer Toronto, et cet apport du gardien est vital si le club veut espérer sortir Vegas. Je ne blâme pas Price, je ne fais qu’énoncer une réalité. Il doit être meilleur que Fleury et il doit compenser l’avantage de Vegas dans les autres aspects du jeu. Sans un Price par moments miraculeux, il n’y aura pas de salut pour ce club.

Le pari gagné de Bergevin

Ça y est, le CH a réussi l’improbable, il a éliminé les Leafs en sept matchs et réussi un retour spectaculaire d’un déficit de 3-1, avec deux victoires en prolongation et en gardant son meilleur match pour la fin. J’ai titré que Bergevin a gagné son pari, mais Dominique Ducharme a aussi gagné le sien et s’est probablement assuré le poste d’entraîneur-chef permanent pour les prochaines saisons. La nomination de Ducharme, par intérim, en pleine saison, est d’ailleurs un des éléments du grand pari de Marc le mal-aimé. Ceci dit, Bergevin avait mis bien d’autres jetons au centre de la table pour cette saison. Il est allé à contre-courant avec le style de brigade défensive qu’il a assemblé, misant surtout sur la grosseur et la robustesse, aux dépens de la mobilité et de la relance rapide. Il a aussi misé sur deux très jeune joueurs de centre immatures, en froissant au passage l’ego de son pilier à la position, Phillipe Danault, qui n’est toujours pas sous contrat à long terme et dont la valeur s’est confirmée au cours de cette série. Le beau Marc aura de la jonglerie salariale à faire s’il veut garder son seul joueur québécois qui a prouvé être un pilier de cette équipe.

Là où Bergevin n’a pas parié, toutefois, lors de l’entre-saison passée, c’est avec la position de gardien de but. Échaudé par l’inconstance et la fragilité de son gardien #1 en saison régulière, il s’est assuré de consolider cette position en allant chercher Jake Allen, ce qui voulait dire qu’il allait consacrer près de 15 M$ de sa masse salariale à la position de gardien de but. Le bon Marc a gagné son pari global parce qu’il n’a pas pris de risque à cette position clé, parce que sans Jake Allen son club n’aurait même pas fait les séries. Ceci dit, la somme colossale investie par Bergevin à la position de gardien, au final, a rapporté plus que ce que la fortune que Toronto a investi en Matthews et Marner, du moins, pour cette année. Disons que Bergevin a sagement suivi l’adage voulant que c’est la défensive qui remporte des championnats, même si le CH ne gagnera pas la coupe, et au hockey, le dernier homme pour empêcher des buts demeure le gardien. Donc, sur ce plan Bergevin avait raison, même si plusieurs astres ont dû s’aligner pour lui donner raison.

Loin de moi l’idée de minimiser l’exploit de l’équipe montréalaise, car il s’agit bien d’un exploit, mais force est d’admettre que la perte de John Tavares, ultimement, a nui aux Leafs, et la perte de Jake Muzzin en a rajouté une couche. Selon moi, ça permet d’expliquer en partie la défaite de Toronto, mais ce n’est pas une excuse. Je continue de croire que même sans Tavares, les Leafs auraient dû achever le CH plus tôt, ce qui aurait pu prévenir la blessure de Muzzin. Un autre facteur à considérer est le fait que le CH a gagné deux matchs en prolongation. Je ne leur enlève pas de crédit, mais on sait très bien que dans ces circonstances ça peut aller d’un côté comme de l’autre. Ceci dit, le tournant de la série a été la passe à l’aveuglette affreuse de l’ancien du CH, Alex Galchenyuk, qui a mené au but gagnant de Suzuki en prolongation du match #5. Kyle Dubas, le DG des Leafs, doit se dire ce soir que l’acquisition de cet ancien haut choix de repêchage du CH était une fausse bonne idée. Le gars a joué pour six organisations de la LNH au cours des quatre dernières saisons pour une raison. Il semble que Dubas ait été incapable de voir cette raison.

En dernière instance, toutefois, et je l’ai déjà écrit sur ce blogue auparavant, les Leafs présentent un vice de construction évident. Ils ont beaucoup trop investi dans quatre joueurs d’attaque, et ainsi, il était forcément impossible d’investir ce qu’il fallait dans le reste de l’alignement, particulièrement en défense. C’était mieux cette année avec TJ Brodie à la place de Tyson Barrie, mais ce n’était pas encore assez solide. Dans les buts, il est clair que Price a eu le meilleur sur Jake Campbell, mais celui-ci n’a pas été mauvais du tout sur l’ensemble de la série. Bien sûr le citron accordé à Gallagher lors du match décisif a fait mal, mais compte tenu de l’attaque supérieure des Leafs, Campbell en a fait assez pour permettre à son club de gagner. Il n’a pas causé la défaite de son équipe dans cette série et l’écart entre lui et Price n’était pas monstrueux comme certains le laissent entendre pour pomper l’aura de leur favori. Ici le mot aura prend tout son sens, car le vrai bon Price, comme un saint, fait des apparitions, puis disparaît. Dans son cas, espérons que l’apparition va perdurer car le rythme des match contre Winnipeg va être intense et on a souvent blâmé les disparitions de Saint-Carey sur la surcharge de travail. Avec un match tous les deux jours il ne chômera pas.

Un autre aspect où le CH a eu le dessus, c’est au niveau du coaching. Sheldon Keefe a déclaré en début de séries qu’il n’avait pas à se soucier de qui le CH opposerait à son dynamique duo offensif. Ce fut très mal avisé de sa part. Il aurait mieux fait de tenter de soustraire plus souvent Matthews de l’attention de Danault. Aussi, Ducharme a été très fortement critiqué pour sa non utilisation du jeune Romanov, alors que Keefe lui a utilisé le jeune Sandin sans trop se poser de questions et cela lui a coûté. On ne saura jamais ce que Romanov aurait fait s’il avait joué dans cette série, mais un entraîneur qui gagne a le privilège d’avoir le dernier mot sur une décision controversée. Si le CH avait perdu, on aurait remis sur le nez de Ducharme cette décision. Cela aurait même pu lui coûter sa carrière dans la LNH. Alors bravo à Ducharme d’avoir eu le courage de ses convictions, même si ça allait à l’encontre de ce que 99% des partisans du club voulait. Maintenant ce sera les Jets bien reposés. On va prendre le temps de savourer un peu cette victoire sur les Leafs avant d’analyser ce qui s’en vient, tout en se souvenant, comme le disait le bon vieux Claude «Piton» Ruel, y en aura pas de facile.