Les Canucks ont bien repêché, vraiment?

Pour faire changement j’ai décidé d’écrire un texte sur une autre club que les Canadiens. Ce qui m’a donné l’envie d’écrire ce texte est un article du journaliste de La Presse, Alexandre Pratt, qui traite de ce qu’il appelle la dérive des Canucks de Vancouver. Ce n’est pas l’aspect dérive de la direction qui a piqué ma curiosité, c’est l’affirmation de Pratt voulant que les Canucks avaient bien repêché et ne devraient donc pas se retrouver dans leur marasme actuel. Cela a piqué ma curiosité car sans avoir regardé de près, je n’avais pas l’impression que Vancouver faisait partie des meilleurs clubs au repêchage. J’ai donc vérifié ça de plus près et ça me semble intéressant, surtout dans la situation actuelle du CH. Je sais, je ne peut m’empêcher de ramener ça au club montréalais, mais vous allez voir où je veux en venir.

Premièrement, établissons que de 2007 à 2012, le repêchage des Canucks a été un désert complet. Ils n’ont repêché aucun vrai bon joueur. C’était le temps des jumeaux Sedin et cela menait à des choix tardifs de 1e ronde, à part en 2008, où ils avaient le choix #10 et ont floppé en choisissant Cody Hodgson. Ils n’ont pas non plus frappé un bon joueur hors de la première ronde. Ça fait donc six années de dèche complète, et en 2005 et 2006, ils n’avaient pas cassé la barraque non plus, en récoltant seulement Michael Grabner (#14) en 2006 et Mason Raymond (#51) en 2005. À noter toutefois qu’ils ont eu la malchance de perdre tragiquement le défenseur Luc Bourdon, choisi 10e en 2005, juste devant Anze Kopitar. Donc, en ajoutant ces deux très faibles années, ça donne huit ans avec seulement Garbner et Raymond comme joueurs moyens de calibre LNH. Les deux ont à peine jouer plus de 500 matchs en LNH et Grabner n’en a joué que 20 pour les Canucks. Cette séquence 2005-2012 est pire que la séquence 2008-2015 du CH où le club montréalais a tout de même réussi repêcher Gallagher, Galchenyuk et Lehkonen comme vrais bons joueurs de la LNH.

Le décor d’arrière-plan étant établi, voyons ce que les Canucks ont fait depuis 2013. Cette année-là, ils avaient le choix #9 et ont jeté leur dévolu sur Bo Horvat. Très bon choix, mais rien d’autre, et flop avec Hunter Shinkaruk au rang #24, juste avant Michael McCarron du CH. En 2014, Vancouver a les mains pleines encore une fois avec deux choix de première ronde, mais contrairement à l’année précédente ils ratent leur coup avec Jake Virtanen au rang #6 et ont choisi un bon joueur en Jared McCann au rang #24, juste avant David Pastrnak, mais McCann n’a joué qu’une saison à Vancouver avant d’être échangé. Pour une rare fois ils ne font pas chou blanc après la première ronde en repêchant le gardien Tatcher Demko en deuxième ronde. Celui-ci est leur gardien #1 actuellement. Ils ont aussi frappé dans les rondes tardives en repêchant Gustav Forsling, mais celui-ci n’a jamais joué pour les Canucks étant lui aussi échangé très rapidement. Forsling fait aujourd’hui partie du top-4 en Floride.

En 2015, très bonne année de repêchage en général, Vancouver s’en sort bien en repêchant Brock Boeser au rang #23, mais on reprend la tradition du chou blanc hors de la première ronde. En 2016, repêchage catastrophique, les Canucks ont le 6e choix et trouve le moyen de choisir Olli Juolevi juste devant Matthew Tkachuk, mais aussi devant d’autres défenseurs comme Sergachev, McAvoy et Chycrun, tous trois sortis entre les rangs #9 et #14. Puis, sans surprise, ils n’ont pu compenser leur erreur par un bon choix plus tardif, zéro encore une fois hors de la première ronde. En 2017, ils ont encore un haut choix de repêchage, cette fois il frappe dans le mille avec Elias Pettersson, mais encore une fois ils n’obtiennent rien de bon dans les rondes subséquentes, et ce malgré le fait qu’ils avaient deux choix de deuxième ronde et un choix au début de la troisième ronde et quatre autres choix plus tardifs ensuite. Les Canucks frappent et ratent avec des choix top-10, deux en quatre à ce stade-ci depuis 2013, et chou blanc ou presque par la suite. Arrive 2018 et un autre choix top-10. Au rang #7 ils font un bon choix avec Quinn Hughes, mais absolument rien ensuite. 2018 est la dernière année, à ce stade-ci, où on peut juger avec pas mal de certitude les choix tardifs, et le moins que l’on puisse dire, c’est que de 2005 à 2018, les Canucks ont été tout simplement abominables hors du top-10 où ils ont repêché très peu de bons joueurs, et les rares qu’ils ont obtenus, pour la plupart ils se sont dépêchés de les échanger avant de connaître leur vraie valeur. Le dernier en lice qui devrait y passer est Brock Boeser.

Donc, c’est bien beau de regarder Horvat, Pettersson, Boeser et Hughes et de se dire que les Canucks ont bien repêché, mais c’est oublier Virtanen et Juolevi, et surtout, c’est oublier la médiocrité sans nom de l’équipe lorsqu’elle repêche hors du top-10. Pour ajouter au problème, même s’il est encore tôt pour porter un jugement définitif sur les années à partir de 2019, ça ne semble pas meilleur. En 2019, avec le choix #10, les Canucks ont choisi Vasili Podkolzin, un joueur qui n’a rien montré à date pour justifier son rang de sélection. Cette année-là, Nils Hoglander semble un bon choix, sans plus, en deuxième ronde, mais il n’y aura probablement rien d’autre par la suite car ce sont six choix très tardifs. En 2020, ça risque d’être un chou blanc complet, le club avait son premier choix en troisième ronde. On était déjà en mode achetez maintenant, payez plus tard, avec l’échange pour JT Miller. Même chose en 2021, le premier choix en est un de fin de deuxième ronde. Là aussi les probabilités sont très faibles d’obtenir un joueur de la LNH, même un joueur moyen. Non, Vancouver n’a pas choisi Joshua Roy en cinquième ronde. Ils avaient pourtant deux choix juste avant que le CH ne le prennent. Finalement, en 2022, ils avaient gardé leur choix de première ronde, le #15, et ils ont choisi Jonathan Lekkerimaki qui ne casse rien en SHL cette année.

Donc, comme vous avez pu le voir, Vancouver est loin d’être un club qui a bien repêché. C’est un club qui a été très mauvais après les jours de gloire des frères Sedin, ce qui leur a donné six choix top-10 en sept ans entre 2013 et 2019 et qui frappe seulement pour 50% avec ces six choix, si on assume que Podkolzin ne renversera pas la vapeur. Ajoutez à cela la catastrophe absolue qu’a été leur repêchage hors du top-10 depuis 2005, puis leurs tentatives de raccourcis des dernières années en échangeant des choix de première ronde pour de l’aide immédiate. Il est donc facile de comprendre pourquoi ce club est là où il est actuellement, c’est-à-dire en plein marasme.

La plupart des clubs champions des 25 dernières années ont profité de très haut choix de repêchage pour acquérir des pièces maîtresses pour leur future équipe championne, mais ils ont aussi connu un certain succès dans les rondes suivantes. Bien sûr, le taux de succès baisse rapidement après les 20 premiers rangs, mais un club doit être capable d’y repêcher au moins une couple de très bons joueurs en quelques années. C’est vrai pour Vancouver, mais c’est vrai pour toutes les équipes. Regardez combien les Oilers peinent à émerger comme aspirants légitimes malgré McDavid, Draisatl et RNH. Edmonton est un autre exemple de médiocrité au repêchage hors du top-10, alors que des clubs comme Chicago, avant leurs trois coupes, Boston, Tampa Bay ou plus récemment Caroline, y ont excellé.

Ça nous ramène au CH. Le club a bien repêché dans le top-10, Galchenyuk, Sergachev, Kotkaniemi et Slafkovsky, mais a très mal géré par la suite. Ce qui fait qu’il ne restera bientôt que Slafkovsky comme résultat concret de ces quatre choix, Josh Anderson ultimement obtenu pour Galchenyuk pourrait être échangé pour un bon retour. Le CH pourrait recycler cet actif un peu comme ils ont fait avec Pacioretty qui donne aujourd’hui Suzuki. Sergachev sera une perte sèche car Drouin ne rapportera rien, ou si peu. Kotkaniemi c’est maintenant Dvorak. Ça pourrait éventuellement donner un choix de fin de première ronde. Puis, pour Slafkovsky, il faut espérer. Il ne sera pas un pur flop à mon avis, mais il est difficile de se faire une idée claire de son plafond à l’heure actuelle.

Ce qui pourrait sauver le CH si on compare à l’exemple de Vancouver, c’est son repêchage hors du top-10 qui est bien meilleur pour ce qu’on en sait actuellement, Lehkonen (Barron), Romanov (Dach), Harris, Guhle, Caufield et Ylonen. Puis le pipeline repêché hors du top-10, Primeau, Mailloux, Struble, Hutson, Trudeau, Farrell, Roy, Beck, Mesar, Kidney et Kapanen. Sans oublier Xhekaj mis sous contrat comme joueur junior non repêché. Puis il y a les deux repêchages à venir où le CH a déjà deux choix de première ronde et en ajoutera probablement d’autres. Ils ne réussiront pas tous, certains seront échangés pour cause de redondance, comme Romanov, mais il est clair que le CH ces dernières années a globalement bien repêché, sans être parfait, et que le club a une profondeur dans son pool de jeunes joueurs qui vient d’un bon repêchage hors du top-10. Donc, le CH a ce que Vancouver n’a jamais réussi à obtenir, bien repêcher hors du top-10, et l’histoire montre que c’est très important pour bâtir un club aspirant à la coupe.

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