Bergevin: Stop ou encore?

Comme mentionné sur le sujet précédant, à la fin de cette saison, Marc Bergevin complétera sa neuvième saison comme directeur général des Canadiens de Montréal. À moins d’une grande surprise, qui mènerait le club loin en séries cette année, il y en aura pour dire que le club végète et qui demanderont sa tête. Le bilan de Bergevin est certes mitigé, et je pense qu’il est légitime de se demander si il devrait rester en poste. Après tout, il n’a pas vraiment fait de l’équipe une des meilleures de la ligue et il a eu suffisamment de temps pour le faire. Si à ses premières années, on pouvait l’excuser en prétextant qu’il ne pouvait faire de miracles avec ce dont il avait hérité de l’administration précédente, cette excuse ne tient plus. Le club actuel est totalement celui de Bergevin. Les deux seuls survivants de l’époque Gainey/Gauthier, il les a endossés complètement en leur offrant des contrats monstrueux. Je parle bien sûr de Price et Gallagher. Ceci dit, il reste encore quelques joueurs sur l’équipe qui proviennent directement d’échanges impliquant des joueurs de l’époque Gainey/Gauthier, Weber pour Subban, Tatar et Suzuki pour Pacioretty. Le reste est le fruit du repêchage, des échanges et des signatures faites par l’administration Bergevin.

Bien sûr, un élément qu’il faut continuer de garder en tête lorsqu’on analyse le bilan de Bergevin, jusqu’à date, est le contexte particulier dans lequel il se retrouve à Montréal et le mandat de faire les séries qui lui a toujours été donné. Bergevin a toujours souscrit à ce mandat dans ses déclarations publiques, et je pense que comme ancien joueur il adhère sincèrement à cette idée. Cette volonté de se battre pour faire les séries à chaque année est inscrite en lui. Il y croit. Je mentionne cela car plusieurs de ses détracteurs lui ont reproché de ne jamais avoir été prêt à payer le prix d’une descente volontaire au classement. De ne jamais avoir adhéré au concept de reconstruction totale. Il est important d’établir ce point car la faiblesse flagrante de l’édition actuelle du CH est l’absence dans son alignement d’un ou deux joueurs de très haut calibre. Le genre de joueur à la Crosby, McDavid ou Matthews qu’on obtient génralement en repêchant premier au total, ou en tombant sur une très bonne année pour avoir un choix top-5 et un peu de chance. Le CH a repêché deux fois top-5 sous Bergevin, en fait, deux fois au rang #3, et ce n’était pas dans des années exceptionnelles. Pour 2012 on en est certain, et pour 2018, il ne semble pas y avoir de Draisatl que le CH aurait pu prendre à la place de Kotkaniemi.

Ceci étant établi, le bilan de Bergevin doit être interprété à l’aune de ce constat. Le club n’a pas de joueur de très haut niveau pour des raisons de philosophie d’organisation et par absence de chance les deux années où il a piqué du nez au classement. Ceci dit, de très bons joueurs peuvent être obtenus au repêchage sans finir parmi les derniers, mais le club n’a repêché dans le top-20 que deux fois lors des six premières années de Bergevin, et cela donne Drouin et Anderson à l’équipe actuelle. Les quatre autres choix de première ronde étaient tous des choix tardifs, #25, #26, #26, #25. Scherbak et McCarron ont été des flops et Juulsen a été fortement ralenti par les blessures. Il reste donc Poehling comme espoir direct de ces six premières années en première ronde. Celui-ci a 10 points en 13 matchs actuellement à Laval, dont six à ses trois derniers matchs. Il semble en voie de devenir un joueur de la LNH. Sinon, Bergevin a eu trois autres choix top-20, Kotkaniemi, Caufield et Guhle. On sait déjà que Kotkaniemi sera bon, on ignore juste jusqu’à quel point il le sera. Caufield a un talent de marqueur qui semble vraiment spécial à un niveau de jeu inférieur, la seule question dans son cas demeure sa taille. Si il était plus imposant physiquement il serait considéré sans aucun doute comme une future vedette. Guhle lui semble un futur défenseur top-4 assuré. La question est de savoir s’il pourra devenir un défenseur de première paire.

Ce qu’on semble pouvoir conclure du repêchage de Bergevin en première ronde, c’est qu’il a fait un bon travail, avec Timmins, dans le top-20, mais, sans surprise, cela a été plus mitigé lors de ses quatre choix vers la fin de la première ronde aux rangs #25 et #26. Ces quatre choix sont survenus lors de ses six premières années, ce qui n’aide pas beaucoup l’alignement actuel, surtout que le seul choix qui semble avoir été bon, Poehling, est le dernier du lot, en 2017, et que le joueur n’est pas encore tout à fait prêt à contribuer. Par rapport au repêchage, il est aussi à noter qu’il y a eu un changement clair de stratégie à partir de 2018 où le club a décidé d’adopter l’accumulation de choix pour augmenter ses chances de succès. Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette approche, car les joueurs repêchés sont encore trop jeunes, mais ça semble fonctionner et des observateurs extérieurs considère actuellement que le pipeline de prospects du club est un des meilleurs de la ligue.

Pour le reste, le travail de Bergevin consiste à effectuer des échanges et à faire signer des contrats, soit à ses propres joueurs ou bien à des joueurs autonomes. Je pense que la feuille de route de Bergevin au niveau des échange est claire, il est un des meilleurs de la ligue à cet égard. Il perd pratiquement jamais un échange et il a réussi plusieurs coups fumants, Danault-Romanov, Suzuki-Tatar, Petry, Anderson, Allen et Armia. Le seul échange plus mitigé est celui de Drouin pour Sergachev. On peut dire qu’il l’a perdu, mais pas par une marge énorme. Sergachev ne paraîtrait pas si bien s’il était resté à Montréal. Finalement, on en vient à la faiblesse de Bergevin, les offres de contrats. Il a réussi quelques bons coups en début de mandat avec Pacioretty et Gallagher, mais depuis ce temps c’est très difficile à ce niveau. Price, Alzner, Subban, Gallagher #2, Anderson et Byron sont autant de mauvais contrats ou de contrats trop généreux, tout cela sans compter les offres de contrats faites où le refus du joueur ciblé l’a sauvé, Lucic, Duchene et Gardiner. Ajoutez à cela l’offre hostile à Sebastian Aho qui demeure difficile à comprendre tellement elle avait peu de chance de réussir. En cas de réussite, Caufield, Struble et Fairbrother ne seraient pas dans le pipeline du club. Vous me direz que vous feriez cet échange aujourd’hui, mais on ignore ce que donneront ces trois jeunes joueurs, et l’ajout de Aho n’aurait pas fait du CH un aspirant à la coupe pour autant. Ce geste ressemblait à un geste de panique pour améliorer le club à court terme dans le but de faire les séries. Toujours le même objectif qui teinte la ligne directrice du club, Bergevin ou pas. Cette ligne directrice relève de Molson.

Au final, quelle conclusion tirer des années Bergevin jusqu’à maintenant? Personnellement, j’y vois une organisation qui en début de mandat s’est accrochée à un Carey Price à son meilleur et à un entraîneur mal aimé, mais aussi mal apprécié, Michel Therrien. Durant les années Therrien le club a connu passablement de succès, ce qui a mené à des choix de première ronde tardifs qui ont mal tourné. Avec le déclin de Price et le congédiement de Therrien, le club a connu des ennuis au classement. L’embauche de Claude Julien n’a pas permis de rétablir la situation, cela a mené au mandat du « reset » donné par Molson et exécuté par Bergevin, à qui on a donné une seconde chance. Celui-ci a fait du bon travail depuis le début de cette réinitialisation. La philosophie de repêchage du club a été modifiée pour le mieux. Plusieurs échanges favorables ont été conclus, mais la gestion des contrats demeure problématique. Ceci dit, je pense que Bergevin a appris en effectuant le travail. Il est à mon avis un meilleur DG aujourd’hui qu’à ses débuts, mais l’organisation dans son ensemble, en partant avec Molson manque encore de patience.

Comme je l’ai répété dernièrement, le club est assis entre le passé et le futur actuellement, ce qui donne encore des résultats mitigés sur la patinoire, mais si l’organisation a suffisamment de discipline pour persévérer avec leur pool de jeunes joueurs, des jours meilleurs sont à l’horizon. Il s’agit juste de ne pas paniquer pour un autre colmatage à court terme. La faiblesse de l’organisation demeure l’absence dans ses rangs d’un ou deux joueurs de très haut niveau, et il ne semble pas y en avoir dans les prospects non plus, mais il y a beaucoup de jeunes avec le potentiel pour devenir de très bons joueurs, juste pas du niveau de joueurs dominants. Je pense qu’il serait mal avisé de venir chambouler la direction de l’équipe en congédiant Bergevin, surtout si on demande à son remplaçant d’obtenir des résultats au plus vite. Ce serait la recette d’une autre rechute, d’un autre recul comme celui des mouvements de panique posés en vue du centenaire du club en 2008 et 2009. Bergevin n’est pas parfait, mais je pense que l’aider à améliorer sa faiblesse au niveau des contrats est la solution. Il s’acquitte bien maintenant du reste du travail et la profondeur de l’organisation est à un niveau inégalé depuis les meilleures années de Serge Savard. Je ne dis pas que le club gagnera la coupe dans les années à venir, dans une ligue à 32 équipes ce serait présomptueux que d’avancer une telle chose, mais je pense vraiment que le club approche du moment où il aura suffisamment de bons jeunes à maturité en même temps pour être une des bonnes équipes de la ligue.