Ce texte a été initié comme une simple réponse sur le sujet précédant, mais il revient encore sur le traitement dichotomique, voire manichéen, des cas Ducharme et Saint-Louis. Cette façon de présenter les choses est sans nuance, sans contexte, et, ce faisant, totalement injustifiée.
On tente encore d’entretenir l’illusion que Saint-Louis serait à lui seul responsable de l’amélioration de certains jeunes joueurs. Ce n’est bien sûr pas le cas. La plus grande qualité de Saint-Louis c’est sa nouveauté, ce qui ne le diminue pas par ailleurs. Ça, et l’absence de pression dans laquelle l’équipe évolue depuis son arrivée. Le congédiement de Ducharme a dédouané tout le monde de toute critique, de toute responsabilité pour l’état lamentable du club lors du départ du coach galeux. À lire et entendre certains, Ducharme aurait été une sorte de demi-dieu qui contrôlait absolument tout et par qui tout passait, et il aurait ainsi aplati le niveau de jeu et d’engagement de tous ses joueurs. Quelle puissance il avait ce Ducharme pour un coach qu’on a décrit comme sans charisme. À son départ il est devenu le paratonnerre parfait qui a attiré tous les blâmes possibles et imaginables. C’était un dictateur qui décidait de tout, n’écoutait personne et dégradait tout ceux qui étaient en contact avec lui. Ses assistants entraîneurs sont soudainement redevenus respectables depuis son départ.
Les joueurs ont entendus tout le monde dire qu’ils étaient bons au fond, et que tout était de la faute de leur ancien coach. Saint-Louis, lui, est arrivé après un tel destructeur sans jugement, le Poutine des entraîneurs de hockey. Comment pouvait-il mal paraître? Surtout qu’en plus, tout était perdu. Lorsque Saint-Louis gagnait lors de sa bonne séquence, les blessés et les Toffoli échangés ne comptaient pas dans l’équation. Cela ajoutait à la grandeur du petit magicien maintenant à la barre du club. Aujourd’hui, après deux défaites cuisantes contre de très bonnes équipes, on invoque les échangés et les blessés, même l’horrible Jeff Petry qui a été le frondeur numéro un impliqué dans la chute de Ducharme. On oublie aussi le retour d’Edmundson en défense pour remplacer Chiarot. Ducharme a eu des alignements plus maigres que celui du CH hier soir, mais dans son cas, ça n’a jamais servi d’excuse. Il était mauvais, c’était indiscutable, comme il semble indiscutable aujourd’hui pour certains que Saint-Louis est le Midas du coaching.
Je me répète, mais lorsqu’en parfaite santé, le CH est un club de milieu de peloton, même avec les départs de Chiarot, Toffoli, Lehkonen et Kulak, des ajouts seront faits pour la saison prochaine. Ceci dit, le club était-il affaibli par les blessures et les échanges hier soir? Absolument. Mais ce club avait connu pire plus tôt en saison avec des blessures simultanées à ses trois premiers gardiens de buts.
Le vrai test pour Saint-Louis sera la saison prochaine lorsqu’il y aura un enjeu et qu’il frappera sa première séquence de défaites, quelques matchs où ses joueurs ne donneront pas l’effort nécessaire. La première fois où il devra rétrograder un vétéran qui ne travaille pas assez, ou qui n’arrive plus à suivre. En d’autres mots, le jour où Saint-Louis coachera vraiment en situation compétitive on pourra commencer à juger sa véritable valeur. Je ne suis pas en train de prédire qu’il échouera. Non. Tout ce que je dis c’est qu’alors il devra faire face au vrai travail de coach. Ce qu’on voit actuellement n’est rien d’autre qu’un long camp d’entraînement et d’évaluation. Les résultats sont secondaires, Saint-Louis l’a répété après les deux derniers matchs. C’est le temps où il est de bon ton de parler du processus car il n’y a pas de pression de gagner.
Ducharme n’a jamais eu cette période de grâce. Lorsqu’il a remplacé Julien il devait gagner pour faire les séries. Il n’y est pas arrivé seul. Ses joueurs se sont levés, en particulier Carey Price. L’automne suivant, il n’y avait plus de Price, plus de Weber, de Danault, d’Edmundson, de Perry et de Kotkaniemi. Les joueurs n’avaient pas le goût de repartir la machine si rapidement après avoir joué du hockey à très haute intensité, surtout pas après avoir perdu autant de joueurs importants. Le résultat a été une débandade collective agrémentée des blessures à la pelle. Les joueurs n’avaient pas le goût de jouer, ils ont laissé tomber Ducharme, les blessures se sont accumulées, les choses sont allées de mal en pis dans une spirale descendante parfaite. Au lieu de prendre une part du blâme les joueurs ont décidé, comme toujours, de pointer le coach du doigt, et ils ont eu sa tête, et en même temps, ils venaient de trouver leur source de motivation pour le reste de la saison, soit de montrer que c’était Ducharme le problème, pas eux. Ainsi ils justifieraient leur moitié de saison catastrophique, et le bénéficiaire de cette dynamique serait le coach remplaçant qui saurait très bien qu’il serait dans son intérêt de participer au discours de disculpation des joueurs. S’il voulait les mettre de son côté. il serait dans son intérêt de blâmer l’ancien système. Ajoutez à cela qu’il y a eu un changement de DG en cours de route, que Bergevin vivait sur du temps emprunté dès le début de saison, et vous aviez une autre raison pour les joueurs de ne rien craindre. Le nouveau DG a congédié Ducharme pour nommer un ami à sa place, alors lui aussi avait intérêt à être positif et à ne rien dire pour défendre Ducharme. Si Bergevin avait signé une prolongation de contrat l’été passé, les choses auraient été bien différentes. Bergevin aurait eu intérêt à aider et défendre Ducharme. Les joueurs auraient su qu’il était solidement en poste et qu’il serait beaucoup plus difficile de tout faire passer sur le dos du coach.
Je n’ai pas souvenir d’un coach ayant eu une première année en poste aussi rocambolesque que Ducharme. Il a remplacé Julien par interim, son club s’est rendu en finale de la coupe, une première en 28 ans. Molson qui voulait congédier Bergevin cet été a eu peur et n’a l’a pas fait. Bergevin toujours DG a donc offert un contrat de trois ans à Ducharme, et le jovialiste de Molson a accepté par lâcheté. Résultat des courses, Bergevin lui n’a pas obtenu de prolongation, contrairement à son coach, un non sens absolu. Par le fait même, ces décisions incongrues de Molson ont affaibli la chaîne d’autorité. Au-delà de ça, Bergevin avait pris deux très mauvaises décisions lors des deux années précédentes, l’offre hostile à Aho qui n’avait aucune chance de réussir. Un geste qui montrait un fort manque de jugement et qui a ultimement mené à la perte d’un récent choix, 3e au total du club, en Kotkaniemi. Ensuite, il a offert de manière beaucoup trop émotive un contrat complètement exagéré et injustifié à Gallagher. Ce contrat a frustré Danault qui voulait aussi une prolongation et qui se savait bien plus important à l’équipe que l’unidimensionnel Gallagher qui profitait en plus de jouer avec lui. Danault a donc quitté après d’excellentes séries laissant un trou béant dans l’alignement et des responsabilités fortement accrues pour Suzuki cette année. La position de Bergevin était donc légitimement très affaiblie. Oui il avait redressé le repêchage du club ces dernières années, mais au niveau de la gestion des contrats il a fait preuve de graves manques de jugement. Il vivait sur du temps emprunté et le manque de courage de Molson a permis à la situation de pourrir.
Le vrai responsable, au fond, c’est Geoff Molson et son obsession de faire les séries à chaque année. Il a décrété un « reset » en 2018, et deux ans plus tard il le déclarait terminé, ce qui était totalement insensé. De plus, l’offre à Aho allait à l’encontre de l’idée de « reset » et Molson a clairement eu son mot à dire dans cette histoire. Il a donc très mal appuyé son DG, et ça explique sûrement l’actuelle direction bicéphale du club avec Gorton qui est là pour supporter Hughes et éviter les crampes au cerveau coûteuses. Le moins que je puisse dire c’est que j’ai digressé par rapport à mon intention initiale de défendre encore une fois Ducharme et de calmer l’enthousiasme débridé par rapport à Saint-Louis. Ceci dit, ma digression montre que tout est lié dans une organisation, et que c’est une accumulation de mauvaises décisions qui mène à une catastrophe comme celle qu’on a vue cette année et que dans toute cette histoire le pauvre Ducharme n’a été qu’un pion pris dans l’œil du cyclone. Mettre le désastre qu’a été cette saison sur ses seules épaules est un pur non sens. La responsabilité est multiple et ce qu’on voit actuellement n’est que la suite de l’histoire avec de nouveaux visages, sauf l’ineffable Molson qui est toujours là, mais qui semble avoir compris qu’à la base il était le plus coupable de tous.