Résister à la pression

Mes deux derniers textes principaux traitaient de la déprime ambiante dans laquelle s’est déroulée la deuxième moitié de saison des Canadiens. Le club était hors des séries une autre fois et l’usure qu’entraîne un processus de reconstruction se faisait sentir. On préférait ergoter sur le ménage à trois que de se réjouir de l’émergence spectaculaire de Juraj Slafkofsky. Ce qui était pourtant, et de loin, la meilleure nouvelle pour l’organisation montréalaise depuis des lunes.

Maintenant que la saison du club est loin derrière et que le repêchage approche, avec toutes les discussions de transactions qui s’y passent, la déprime s’est transformée en pression sur la direction du club. Journalistes et commentateurs de tout poils y vont de leurs suggestions de transactions, et s’ils sont flexibles sur les modalités, ils sont intransigeants sur le constat qui selon eux exige que la direction ajoute de manière significative à l’avant. Certains seraient même prêts à échanger le 5e choix au total pour prendre un raccourci vers la respectabilité, tout en sacrifiant, encore une fois, les chances de construire un club vraiment aspirant à la coupe.

Ce qui est désolant dans tout ça est de voir que plusieurs pensent que le club montréalais serait à un Trevor Zegras ou deux de devenir un réel aspirant. Ça n’a aucun sens. Ce club a besoin d’abord et avant tout d’une chose, soit de laisser ses jeunes joueurs maturer en leur donnant la chance de jouer. En défense on sait déjà que l’équipe a le talent nécessaire pour, à terme, être très solide. La clé sera d’identifier ceux qu’on voudra garder et ceux qu’on sacrifiera, mais avant tout échange il faut utiliser tout le temps nécessaire pour bien les évaluer. Cela aura le double avantage pour le club de garder les meilleurs et les mieux adaptés, mais aussi d’augmenter la valeur de ceux qui seront échangés. Je pense que Jordan Harris vaudra plus à l’été 2025 que cet été, même chose pour Hutson, Mailloux, Xhekaj, Struble ou Barron. Puis si jamais on décidait à la place d’échanger un Matheson ou un Guhle, il serait bien d’avoir une meilleure lecture du potentiel des plus jeunes. Harris et Barron ne seront pas éligibles au ballottage la saison prochaine, alors soit le club les fait jouer à Montréal ou les échange cet été. Je pense que le mieux est de les garder et de les faire jouer, et de retourner au besoin à Laval des gars comme Hutson, Mailloux, Struble et Xhekaj. Certains ne seront pas contents d’être rétrogradés, mais ainsi fonctionne le système de la LNH.

À l’avant, la direction doit penser plusieurs années à l’avance. Le club a déjà un premier trio. Celui-ci n’est pas immuable, mais les chances sont bonnes pour que le trio Caufield-Suzuki-Slafkovsky soit de retour intact en début de saison prochaine. Ensuite il y aurait la possibilité de Newhook-Dach-Roy comme deuxième unité, et Montréal a de bonnes chances de repêcher un avant avec le 5e choix au total. Selon moi, Roy demeure sous-évalué et certains lèvent encore le nez sur ce jeune à cause du fait que c’est un choix de fin de 5e ronde. Je persiste à penser que c’est un futur ailier top-6, et pour y arriver, il doit jouer dans ce rôle alors que le club ne vise pas encore la coupe. N’empêche, le club a Newhook-Dach-Roy, et viendrait peut-être s’ajouter un Iginla ou Lindstrom. À terme ça veut dire une place sur le top-6. Déjà là, il y aurait un surplus. Bien sûr, certains de ces joueurs pourraient à terme se retrouver sur un 3e trio sur un réel aspirant, mais quelle serait l’utilité l’an prochain d’amener un gars qui prendrait du temps de glace de qualité à Roy ou Newhook? Le but la saison prochaine est de progresser, tant au niveau collectif qu’individuel, tout en tentant d’éviter les blessures.

Je l’ai déjà écrit ici plusieurs fois, le but de la direction devrait être de signer comme agent libre un ailier vétéran pour un an ou deux, quitte à le surpayer. Un gars de calibre 2e/3e trio qui apporterait de la profondeur en cas que les blessures continuent et qui ne rechignerait pas s’il se retrouvait sur le 3e trio. Une espèce de meilleure version de Tanner Pearson l’an dernier. L’autre possibilité est une signature à la Tyler Toffoli par Bergevin il y a quelques années. Son contrat était tellement favorable qu’il a été facile à échanger le moment venu.

Les deux derniers trios du club, pour le moment ressembleraient à ceci:

Harvey-Pinard-Evans-Armia
Anderson-Dvorak-Gallagher

On voit que le club est prisonnier des contrats de Gallagher et Anderson. Le cas Dvorak est aussi problématique, mais il faudra le faire jouer et espérer un sursaut de sa part qui augmenterait sa valeur à la date limite des échanges. Le trio Harvey-Pinard-Evans-Armia serait un excellent 4e trio, mais je ne vois pas de problème pour la saison prochaine comme troisième unité. Encore une fois, le club n’aspirera pas à la coupe l’an prochain.

La relève à l’avant pour les deux derniers trios est assez mince, Beck et Kapanen rivaliseront pour remplacer Dvorak, et à terme, peut-être aussi Evans. Sinon il y a Tuch, Rohrer et Mesar, même si Mesar n’a pas tellement le profil pour un tel rôle. Il y a peut-être aussi Florian Xhekaj qui pourrait devenir une sorte de Pezzetta en peut-être un peu meilleur. Ceci dit, des joueurs de bas d’alignement, c’est assez facile d’en trouver.

Je pense que le questionnement à l’avant pour la direction sera plus de se demander ce qu’elle veut vraiment à terme, le jour où on pensera être prêts à rivaliser avec les meilleurs. Par exemple, si j’étais Hughes et Gorton, je m’interrogerais sur le cas Caufield. Je me demanderais si un tel joueur cadre avec le profil d’un club aspirant, et ma réflexion intégrerait sa valeur d’échange. Si Romanov a rapporté un 13e choix au total, combien rapporterait Caufield? Ottawa avait donné des choix de 1e, 2e et 3e ronde pour De Brincat avec seulement un an de contrat à faire. L’an prochain les Canadiens auront leur choix de premier tour, celui de Calgary ou Floride, son choix de 2e ronde et celui de Pittsburgh. Ajoutez à cela la valeur évoquée de Caufield et le club sera en position pour modeler son top-6 du futur vraiment à son goût, surtout si Roy émergeait vraiment la saison prochaine comme solide ailier de 2e trio, et Iginla ou Lindstrom dominait la WHL à 18 ans. Pour moi l’été où la véritable action pourrait avoir lieu n’est pas cette année, mais l’an prochain. En plus, à l’été 2025, le club sera forcé d’échanger deux défenseurs, cela s’ajoutera à ce que la direction pourra utiliser pour vraiment modeler son alignement à son goût. Avec tous ces actifs, le club sera en position pour ajouter un autre très bon attaquant, soit en s’avançant dans le top-5, ou en faisant l’acquisition d’un joueur de moins de 25 ans de fort calibre.

Il y a eu la déprime et là il y a de la pression, mais la direction du club ne doit pas céder. Si le club progresse au classement la saison prochaine et que des jeunes impressionnent, la pression tombera et la déprime fera place à l’optimisme. L’organisation montréalaise doit seulement passer de l’autre côté de la montagne. Ça ne signifiera pas la fin de la reconstruction, mais les dernières étapes seront plus faciles à encaisser. La base est bonne, l’organisation a de la profondeur, et elle a de nombreux choix et joueurs qui devront finir par être échangés. Après la phase d’accumulation, Hughes et Gorton entre dans la phase du triage et modelage menant à l’équipe finale qu’ils souhaitent avoir. Il reste encore beaucoup d’évaluation à faire et des décisions très importantes à prendre, mais je pense que cela pourra se faire avec une meilleure équipe sur la glace.