Une autre défaite du CH contre sa bête noire, cette année, Calgary. C’est un peu ironique quand on y pense car les Flames sont l’équipe la plus robuste de la division. Ils pratiquent aussi un style hermétique. On croirait entendre la description de ce que le club montréalais, version XL, cette année, devait être. Le problème c’est que pour Montréal la recette ne fonctionne pas vraiment. Ceci dit, le problème n’est pas nécessairement relié à la grosseur, Anderson, Edmundson et dans une moindre mesure, Perry, sont des ajouts positifs. Le problème en est un d’intensité et d’effort collectif, et à cela s’ajoute la faillite du groupe de leadership composé de Weber, Gallagher et Price. Les deux plus vieux sont en déclin marqué, alors que, tel que prévu, Gallagher paie pour son style usant axé sur sa présence courageuse devant le filet adverse. Finalement, en investissant dans le développement de deux très jeunes centres en même temps avec le grand club, l’équipe écope des conséquences à court terme de ce choix qui a de bonnes chances de payer à plus long terme.
La conséquence de tout cela est que le club se retrouve ce matin loin d’être assuré de la dernière place donnant accès aux séries. Si l’équipe devait rater son coup, la pression serait énorme pour que Molson procède au congédiement de Bergevin, ce qui entraînerait probablement un effet en cascade plus bas dans la hiérarchie. Autant je pense que Bergevin a erré avec Price, Weber et Gallagher, autant j’aime le reste de l’ouvrage depuis quatre ou cinq ans. Le club a une stratégie de repêchage nettement améliorée, et cela semble se refléter dans la qualité du club ferme et du pipeline. Il y a bien sûr l’échange de Sergachev pour Drouin qui tourne mal, mais je demeure convaincu que la qualité des deux équipes explique en partie le résultat de cet échange. Sergachev paraît mieux sur une équipe de tête et Drouin aurait lui aussi mieux paru s’il était demeuré à Tampa, et l’inverse est vrai pour les deux joueurs. Ceci dit, Drouin demeure un joueur très décevant. Il n’a jamais réussi à adapter son style de jeu au niveau de la LNH. L’échange pour Andrew Shaw fut aussi une grosse erreur car il a au moins coûté Samuel Girard. Dans le sens opposé, Bergevin a gagné haut la main les échanges qui ont amené Petry, Danault, Romanov et Anderson à Montréal, et je pense qu’à long terme le club sortira gagnant de l’échange Pacioretty.
Voilà, ma crainte c’est que de guerre lasse, en se disant que Bergevin est là depuis 2012, Molson panique pour acheter la paix avec les médias et les partisans. Pourtant, le constat à tirer des années Bergevin est clair. En voulant profiter des meilleures années de Carey Price il a mis sur la glace son plan de vraiment construire par le repêchage. En d’autres mots, les succès relatifs de ses premières années de mandat ont empêché la mise en exécution d’un « reset » dès 2012. Le club a donc flotté entre deux eaux pour quelques années, jusqu’au choc de la saison 2017/18, une reprise de 2011/12, et cette fois le « reset » a été mis en œuvre pour vrai sur ordre de Molson qui au lieu de congédier Bergevin a ordonné ce changement d’approche. Les résultats de ce changement sont très prometteurs, mais concurremment, Bergevin s’est accroché à ses vétérans et a octroyé de mauvais contrats à Price et Gallagher. Oui il y a eu le « reset » au niveau du repêchage et de la gestion des actifs, de manière générale, mais le club a refusé d’aller jusqu’au bout de la logique en pensant que Weber, Price et Gallagher étaient essentiels au succès du plan. La réalité, et j’y reviens toujours, c’est que les résultats du « reset » arriveront trop tard pour s’arrimer à Weber et Price. Suzuki, Kotkaniemi et Romanov tendent leurs mains pour agripper Price et Weber, au bord du précipice, mais ils sont incapables de les agripper et de retenir leur chute. Il est là le problème actuel de ce club, et la seule solution c’est de renoncer à retenir Price et Weber, mais cela ouvre vers une autre complication, c’est-à-dire que même s’il voulait se départir de ses deux vétérans durant l’entre-saison, le DG du CH en sera-t-il capable? Pourra-t-il trouver preneur pour ces contrats?
Tout cela nous ramène au dilemme de Molson, il a une organisation qui recrute et développe bien pour la première fois depuis longtemps, mais son DG a une tare importante qui noircit le portrait, cette tare c’est son émotivité qui se manifeste dans sa propension à tomber en amour avec certains de ses joueurs. Dans un monde idéal la solution serait simple. Le club garde Bergevin comme DG, mais le recadre sérieusement sur ses forces et lui expose ses faiblesses et demande un ajustement important de sa part. Cela éviterait de tout foutre en l’air et de repartir avec un DG peu expérimenté comme Bergevin l’était en 2012. Il y a une vertu dans la continuité. Une autre possibilité serait la nomination d’un président-hockey dont le seul rôle véritable serait de veiller à ce que Bergevin ne tombe pas de nouveau dans ses faiblesses émotives. Ceci dit, cela nécessiterait de décrocher du mandat d’entreprise d’essayer activement de faire les séries à chaque année. Je dis bien d’essayer activement, dans le sens d’objectif prioritaire à rencontrer à chaque année, au lieu de s’en remettre au développement naturel du club qui reposerait sur le bon recrutement et le bon développement. Le CH arrive près de ce point naturel issu du « reset », il n’y est juste pas encore tout à fait arrivé. Ce serait dommage de tout foutre en l’air cet été par manque de réalisme et d’encadrement du cadre principal de l’équipe.