Le mauvais examen pour Bergevin

Le titre du présent article peut prêter à confusion. On pourrait y voir une prédiction négative du résultat de la prochaine série contre Toronto, et ce faisant, en tirer un constat d’échec à propos du travail de Marc Bergevin qui a construit cette équipe, car cette fois-ci, il n’y a pas de doute, c’est bel et bien son équipe. Toutefois, ce titre veut exprimer tout le contraire. Ce titre indique que la performance du CH en séries cette année ne sera pas un examen valable pour juger de la qualité du travail de Bergevin comme DG car la performance à court terme de cette équipe en cours de rajeunissement, malgré les apparences, ne reflète pas l’exigence du travail de fond nécessaire pour enfin obtenir un club qui sera un réel aspirant à la coupe dans quelques années. La fameuse réinitialisation initiée en 2018, et dont on a tellement parlé, ne peut pas être complétée. Un tel processus prend plus que trois ans à donner de réels résultats.

Il y a beaucoup de confusion je trouve chez la gent journalistique et dans le commentariat sportif à l’heure actuelle à propos du statut de Marc Bergevin et de l’état de son équipe. À titre d’exemple, j’écoutais M-A Godin et Arpon Basu du site The Athletic à propos de la série à venir contre Toronto, et ils ne cessaient de revenir sur le fait qu’une défaite contre les Leafs mettrait gravement en danger l’emploi de Bergevin avec le club et qu’une défaite serait un constat d’échec de l’œuvre du DG montréalais, mais en même temps, ils donnaient Colorado et Caroline comme exemples de réussites dans la construction d’un réel aspirant à la coupe. Manifestement, ces deux journalistes sont confus, car les processus de construction au Colorado et en Caroline ont largement excédé trois ans. Pour l’Avalanche on parle au moins de 2013, avec la sélection de Nathan McKinnon comme point de départ, et du côté de la Caroline, on parle de 2014, avec l’embauche de Ron Francis et le choix de Sebastian Aho en 2015. Comme on peut le voir, ces deux clubs ont commencé leur processus de construction sérieux et compétent il y a sept ou huit ans et seulement aujourd’hui ils arrivent au statut d’aspirant sérieux. On pourrait ajouter Tampa Bay comme autre exemple de club gagnant qui ont construit sur une longue période.

Vous me direz peut-être que Ron Francis a été congédié en Caroline, que Steve Yzerman a quitté Tampa, et qu’ainsi, il n’est nul besoin de garder Bergevin à la barre pour continuer le processus. En théorie c’est vrai, mais en pratique changer le DG introduit un élément de turbulence inutile, à moins qu’il y ait une raison valide de remettre la qualité de son travail en question. Dans le cas de Bergevin, depuis 2018, il a commis très peu d’erreurs, et la qualité du repêchage semble s’être améliorée de façon notable. Alors il est loisible de se demander qu’est-ce qui justifierait congédiement? Les seules raisons qui semblent exister sont la fatigue face au personnage qui est en poste depuis neuf ans et le fait qu’on regarde ces neuf années comme un effort unique de bâtir un club gagnant, alors qu’en fait, l’ère Bergevin a été divisée en deux parties, soit 2012-2017, où le CH était bel et bien un club gagnant, parfois presque aspirant, puis 2018-2021, où l’équipe a sérieusement entrepris de se rajeunir et a assumé pour un temps ses carences. Molson avait un choix à faire en 2018, congédier Bergevin, qui avait raté son objectif initial de gagner avec Carey Price à son sommet, ou bien lui confier le mandat de rajeunir le club sans passer par les bas-fonds du classement pour plusieurs années. Il a choisi de garder Bergevin pour ce travail, le congédier après trois ans ans à cause d’une défaite contre une équipe clairement plus talentueuse n’aurait pas de sens.

Ce que j’essaie d’exprimer avec ce texte c’est qu’il est ridicule de dire que l’emploi de Bergevin dépend du résultat de la série contre Toronto. Cette série n’est pas un indicateur valide de l’état des choses. Même si par surprise le CH devait gagner, ce ne serait pas plus un indicateur valide. En fait, le résultat de cette série ne changera rien à l’état fondamental de la situation de cette équipe. Molson, dans son rôle de président qui supervise ultimement l’aspect hockey de l’organisation, doit être conscient de cela. Cette saison-ci est un espèce de pari sur les derniers milles de joueurs en fin de parcours au travers desquels ont a décidé de développer le futur de l’organisation. C’est un mélange qui en soit est voué à l’échec si le but est réellement de gagner la coupe, et dont le seul bénéfice réel est l’expérience qui sera acquise par les jeunes joueurs de l’équipe. J’espère vraiment que Molson est conscient de cela. Ceci dit, tout indique que malgré ses déclarations sur la fin du « reset », il en est conscient car Bergevin n’a pas touché à son pool de jeunes joueurs et très peu à sa banque de choix au repêchage. Le club se comporte comme une organisation qui n’a en rien renoncé au rajeunissement, mais qui refuse de tomber au fond du classement pour autant. Si c’est le cas, le poste de Bergevin n’est pas en danger. Si on le congédie après la probable défaite contre Toronto, ce sera un signe très clair que Molson ne comprend rien à la construction d’un club de hockey gagnant.