Autopsie d’un fiasco monumental

Voilà. C’est fait. Les Canadiens de Montréal ont annoncé qu’ils n’égalaient pas l’offre hostile faite à Jesperi Kotkaniemi par les Hurricanes de la Caroline. Malgré toute ma bonne volonté, il n’y a pas de moyen actuellement de trouver un angle positif à cette situation. Geoff Molson et Marc Bergevin paraissent extrêmement mal dans toute cette histoire. La décision hasardeuse de faire une offre hostile à Sebastian Aho en juillet 2019 leur explose au visage.

À mon avis, il n’y a qu’une possibilité pour que cette décision, à moyen ou long terme, paraisse bien, et ce serait que le CH frappe un coup de circuit avec un des deux choix des Canes, ou avec les deux, ceci dit, comme le court terme a préséance sur tout à Montréal, il est peu probable que Bergevin exerce ces deux choix. Il est plus probable qu’il va s’en servir pour conclure un échange de rafistolage, comme c’est la tradition à Montréal. Il va fort probablement offrir ces deux choix, et plus, dans un échange pour acquérir un joueur de centre expérimenté, ce, après avoir bêtement laissé filer Philippe Danault comme joueur autonome il y a un mois.

La gestion de Bergevin dans ce dossier a été exécrable. Il a carrément l’air d’un pee-wee et il n’y a pas moyen de trouver une once de positif dans ce fiasco. La Caroline s’est jouée de Molson et Bergevin. Le pire, c’est que pour tenter de réparer leur gaffe, le duo de tête de l’équipe risque de s’enliser encore plus. Ils n’auront pas la modestie d’encaisser le coup et de s’en tenir à une gestion à plus long terme. Qu’on le veuille ou non, la perte d’un jeune joueur comme Kotkaniemi va faire très mal au club. Montréal a investi trois années dans le développement de ce jeune joueur avec le grand club, et de les voir perdre tout ça est consternant.

Finalement, le comportement de Kotkaniemi est aussi choquant. Vous direz ce que vous voudrez, il a accepté un contrat illégitime. Je dis illégitime car d’aucune façon Kotkaniemi ne mérite ce salaire, contrairement à l’offre du CH à Aho. Le jeune fait donc un pied de nez à l’organisation qui l’a repêché, qui a cru en lui, et qui lui a permis d’atteindre le statut de RFA à seulement 21 ans. Je me fous de l’argent et du fait que le sport professionnel est une entreprise. Il y a une sorte de trahison dans le geste de Kotkaniemi, et c’est faux de prétendre que n’importe quel autre jeune joueur aurait fait la même chose pour un contrat d’une seule année. Certains jeunes joueurs planifient mieux leur carrière. Si vous me dites qu’il y a une entente pour une prolongation de contrat plus raisonnable en Caroline plus tard, ça n’arrange rien, ce serait pire encore. Ce jeune, pour moi, est aujourd’hui à classer au rang des purs mercenaires, et ce à seulement 21 ans. C’est à dégoûter du sport professionnel. Ceci dit, les premiers coupables demeurent Molson et Bergevin qui ont parti le bal, et qui auraient été bien contents de soutirer Aho aux Hurricanes si leur offre avait fonctionné.

Retour au hockey

L’humiliation publique à laquelle s’est soumis Geoff Molson hier, et le refus de Bergevin de répondre aux questions incessantes des journalistes sur l’affaire Mailloux, semblent avoir réussi à enfin mettre le couvercle sur l’ébullition woke dont nous avons été témoins ces derniers jours. Les wokes ont fait plier les genoux de l’organisation montréalaise, mais sur le fond, celle-ci a évité de se renier totalement. Le jeune Mailloux est toujours propriété du CH, et on va tenter de le cacher à London le plus longtemps possible, en espérant que la qualité de son jeu validera le bien fondé de ce choix en bout de course.

Cela nous laisse avec ce qui est le vrai sujet de ce blogue, un sujet plus léger, moins conséquent, le hockey, en général, et celui de la LNH et du CH en particulier. Où en est le club montréalais après que le plus gros de l’action de l’entre saison ait eu lieu? J’ai aimé le repêchage du club encore cette année. On a pu comprendre entre les lignes que Mailloux était très haut sur la liste de du CH, tellement qu’on a jugé que de le choisir valait le coup malgré la tempête qui suivrait. Aussi, le CH a une très bonne feuille de route dans le repêchage de défenseurs. Si Mailloux devient un défenseur élite, le club se félicitera en secret, dans quelques années, d’avoir eu le cran de le repêcher. Je dis en secret, car ce qu’on a vu ces derniers jours fut un grand ballet d’hypocrisie, pas seulement de la part de la direction des Canadiens, mais aussi de la part d’un grand nombre de journalistes et de commentateurs qui se sont sentis obligés d’adopter l’indignation de circonstance au lieu de donner le fond de leur pensée sur cette histoire. Enfin… J’ai aussi aimé les autres choix de l’équipe. On a misé sur le talent d’abord et avant tout. Joshua Roy a le potentiel de devenir un vol de grand chemin s’il décide de vraiment devenir un joueur professionnel et d’y consacrer les efforts nécessaires. Il est un des plus jeunes joueurs repêchés cette année, et il est identifié comme surdoué depuis qu’il a 14-15 ans. Sa marge de développement est énorme.

Pour ce qui est de l’alignement de l’équipe pour l’an prochain, Bergevin a clairement décidé de miser sur la jeunesse. Ce club sera aussi bon que le seront Suzuki, Kotkaniemi, et dans une moindre mesure, Evans, Poehling, Caudield et Romanov. Je place Suzuki et Kotkaniemi en tête de liste suvis de Evans et Poehling car la plus grosse décision de Bergevin cet été a été de laisser partir Danault qui était l’ancrage de sa ligne de centre, celui qui rendait la vie plus facile aux autres. Il n’est maintenant plus là. Les jeunes devront grandir vite et absorber la pression. Il est aussi ironique de voir qu’il ne reste que Gallagher comme membre de son trio des dernières années. Un grand mystère en ce qui me concerne. Sa gourmandise salariale a expulsé Danault de l’équipe. On peut dire ce qu’on veut, mais c’est un fait.

Sinon, Bergevin a fait du rapiéçage hier en mettant sous contrat pour trois ans David Savard et Mike Hoffman. Ils remplacent Weber et Tatar, joueur pour joueur. Je ne pense pas que le CH sorte gagnant de ces deux substitutions. Si Tatar n’était pas assez bon et fiable pour jouer en séries, imaginez ce que ce sera avec Hoffman. Pour la première fois, en théorie, le club pourra compter sur Caufield et Drouin en même temps dans l’alignement. Si Drouin n’est pas troublé de façon permanente, ça pourrait être positif. Cedric Paquette offre de la profondeur au centre si Poehling n’arrive pas à s’imposer sur le quatrième trio. Même chose pour Chis Wideman en défense. Il y a aussi Kaiden Guhle qui aura une chance de forcer la main de Bergevin au camp. L’idéal serait qu’il joue une autre année junior, mais en même temps, s’il avait déjà une année pro dans le système l’an prochain, ça aiderait à être patient avec les autres jeunes défenseurs qui arriveront alors, les Harris, Struble, Fairbrother et Norlinder. Ceci dit, Norlinder sera au camp cet automne et Bergevin a mentionné hier qu’il aurait sa chance de percer dès cette année.

Finalement, quand on regarde le portrait salarial du club pour 2022/23, on se rend compte que les choses ne cadrent pas. Avec la signature de Kotkaniemi et Lehkonen, et le retrait du salaire de Weber, le club sera une couple de millions sous le plafond pour cette année, sans autre ajout, mais l’an prochain il n’y a que le contrat de Chiarot qui se termine, et qui compte pour un bon montant (3.5 M$). Toutefois, Suzuki sera dû pour une énorme hausse de salaire, et Romanov sera aussi dû pour son deuxième contrat. Le problème, c’est que tous les hauts salariés à l’avant ont encore au moins deux ans de contrat à faire. Il est donc clair que Bergevin devra transiger un ailier, ou procéder à des rachats pour faire cadrer les choses.

Ce club en est donc un qui est encore en période de transition. Les jeunes n’ont pas encore pris le contrôle qui est nécessaire pour faire du club un aspirant sérieux à la coupe. La percée en finale n’est pas un juste reflet de la qualité réelle de cette équipe pour l’année qui vient. Le plus important la saison prochaine sera de voir une amélioration des jeunes centres de club. Il serait aussi très important de voir Cayden Primeau s’imposer à un moment donné comme le futur gardien #1 de l’équipe. Price est souvent blessé, alors il est probable qu’il y aura une fenêtre d’opportunité pour lui en appui à Allen. Le repêchage d’expansion de Seattle a brisé le tabou Carey Price. On sait maintenant que l’organisation peut s’en départir si le contexte s’y prête. Elle ne le fera pas sans une alternative valable entre les poteaux, et cette alternative possible, pour le moment, c’est Primeau. Aussi, avec l’état des hanches et des genoux de Price, il faut se souvenir qu’il est un candidat pour finir sa carrière sur la LTIR. Réussir à soustraire ce contrat de la masse salarial du club donnerait beaucoup de flexibilité pour les années à venir. Il faudra payer Suzuki, mais aussi Caufield et contrairement à certains, je persiste à penser que Kotkaniemi va pleinement éclore. L’évaluation de ce joueur est biaisé par son rang de sélection, et son arrivée trop hâtive dans la LNH, compte tenu que c’est un joueur à maturité tardive. Il commence juste à ressembler à un homme.

Je pense donc que l’organisation demeure sur la bonne voie, malgré l’erreur flagrante qu’est la perte contre rien de Danault. Cette perte fragilise le court terme, mais pas le moyen et long terme. Le pipeline du club demeure solide et Bergevin continue d’éviter de donner des choix ou des espoirs de qualité. Cette approche est la bonne et j’espère qu’on continuera de la maintenir.

La liste des blessés à long terme le talon d’Achille de l’équité dans la LNH

L’utilisation de la liste des blessés à long terme est le point très faible du système de contrôle économique mis en place par la LNH. Ça va de l’extension du plafond salarial au repêchage d’expansion de la LNH. Tampa Bay n’ont pas été les premiers à jouer avec les règles, plusieurs équipes l’avaient fait avant eux, mais Julien Brisebois à pousser la logique à la limite. Du moins c’est ce que je pensais avant de voir Marc Bergevin utiliser l’incertitude possible quant à l’état de santé de certains de ses joueurs clés, faisaunt miroiter le fait que Weber et Price pourraient se retrouver sur la fameuse liste, pour ne pas protéger ses deux vétérans tout en espérant dissuader Seattle de prendre un ou l’autre. De l’extérieur, et avec les informations finement coulées à certains journalistes, cela semble être la stratégie du CH pour conserver Weber, Price et Allen. Peut-être que tout cela est une fausse interprétation des faits, mais c’est ce qui circule actuellement, et si c’est la réalité, Montréal .tire lui aussi l’élastique réglementaire, mais d’une autre façon. Au travers de tout ça, la LNH a l’air d’une ligue de magouilleurs qui étirent les règles à la limite. Si on ajoute l’arbitrage souvent indigne d’une ligue professionnelle sérieuse lors des dernières séries, disons que ça laisse très songeur. On verra si on arrive à distinguer le vrai du faux dans toute cette histoire impliquant Price et Weber, mais pour le moment cela ne donne pas une bonne image à la ligue. Le repêchage d’expansion devrait avoir lieu à un moment où Seattle peut avoir un bilan de santé certifié à propos de chaque joueur.On peut bien spéculer tant qu’on veut, mais pour le moment il est bien difficile de séparer le vrai du faux, donc, de prédire ce qui va survenir.

Fin amère d’un superbe parcours, et quelques idées pour l’avenir

Le CH a été éliminé hier, Tampa a gagné la coupe, malheureusement, il est difficile de ne pas avoir un goût amer dans la bouche car le CH aurait vraiment pu gagner. Carey Price qui est la raison principale de la présence du CH en finale a avoué après le match d’hier ne pas avoir assez bien joué lors des trois premiers matchs. C’est quand même bizarre de voir que Price est plus réaliste et honnête sur lui-même que certains journalistes et commentateurs qui en mettent toujours trop à son sujet. Ceci dit, le CH n’a pas perdu cette finale à cause de Carey Price. Le club montréalais faisait face à un club paqueté qui a profité au maximum des faiblesses qui existent dans les règles du plafond salarial. Tampa a aussi largement été favorisé par l’arbitrage, et il y a des questions à se poser sur la légalité de l’équipement de leur gardien. On avait supposément resserré les règles sur les dimensions de l’équipement des gardiens. Le moins que l’on puisse dire c’est que la taille de l’équipement du russe était un peu comme la masse salariale du club, au-dessus de la limite. Tampa ont gagné en cinq, mais il n’ont eu le dessus clairement que dans deux matchs. Cette série pourrait facilement être 3-2 pour une ou l’autre des deux équipes, actuellement. Ceci dit, malgré tout ce que je viens d’écrire, je pense que Tampa avait la meilleure équipe, mais à masses salariales égales, cette différence aurait été réduite de beaucoup.

J’ai regardé la situation de Tampa sur CapFriendly et pour l’an prochain Tampa dépasse déjà le plafond de 4.25 M$ et ce en perdant Goodrow, Coleman, Ross, Savard et McElhinney. Si on remplace ces cinq joueurs par des joueurs à 800,000$ par année en moyenne, Tampa est au-dessus du plafond de 8.25 M$ pour l’an prochain. Quelles règles pourront-ils étirer cette fois pour ne pas trop s’affaiblir? Tampa est le premier club qui profite autant des failles dans les règles du plafond, et c’est clair pour moi que ça enlève du lustre à leur victoire. En plus de ça, la ligue a pensé que c’était une bonne idée de les favoriser en plus par l’arbitrage. Le biais était clair et ne peut s’expliquer que par une directive de la ligue. Je le sais que ça semble fou, mais le vent ne peut pas souffler toujours du même bord ainsi, et le CH a été désavantagé par l’arbitrage dans toutes ses séries. Dans certains matchs c’était plus évident que dans d’autres, mais le club montréalais n’a jamais été favorisé. Le mieux qu’il a pu obtenir c’est quelques matchs où l’arbitrage était juste des deux côtés, mais le plus souvent l’adversaire du CH était favorisé et c’était particulièrement évident dans le match d’hier soir.

Une fois la poussière retombée, je pense qu’on se rendra compte que cette percée jusqu’en finale aura un impact très positif sur l’organisation. Il y a maintenant de l’expérience des séries à l’interne qui ira bien au-delà des vétérans actuels. Des jeunes comme Caufield, Suzuki, KK et Romanov savent ce qu’est le plus haut niveau en séries. C’est important pour un jeune de connaître la limite supérieure pour savoir ce que ça prend et où il en est rendu dans son développement. Kotkaniemi est peut-être déçu de ne pas avoir joué les deux derniers matchs, mais en même temps, s’il est honnête avec lui-même, il sait qu’il n’est pas encore assez bon. Romanov aurait dû jouer plus de matchs, mais ceux qu’il a joué sont suffisants pour lui donner cette référence sur ce qu’il doit améliorer. Il y a aussi Jake Evans qui a prouvé qu’il pouvait être plus qu’un centre de 4e trio. Evans vient d’avoir 25 ans, mais comme Danault au même âge, il a encore de la marge de progression. Parlant de Danault, il a prouvé qu’il était un élément essentiel de cette équipe et Bergevin et lui doivent trouver un terrain d’entente raisonnable.

Au-delà du résultat final, le bon côté de cette épopée en séries est que le club l’a réalisée sans sacrifier de prospects et de choix très significatifs. Le solide pipeline du club est intact et le club a 11 choix pour le prochain repêchage. Bien sûr ces choix sont maintenant plus tardifs, mais en cette année particulière, repêcher plus tard sera moins pénalisant car l’élément chance jouera plus cette année, les espoirs n’ayant pas pu jouer autant de matchs qu’à l’habitude. Ce qui permet de penser que de très bons jeunes vont être repêcher plus tard qu’il ne l’auraient été lors d’une année normale.

Pour la suite, beaucoup dépendra de la qualité de la gestion de Bergevin. S’il cède à son côté émotif et s’accroche à certains vétérans, dans l’espoir de répéter ce que le club vient d’accomplir, ce sera problématique. Par contre, s’il se montre pragmatique et profite de la plus-value de certains vétérans après ces séries, il pourrait faire évoluer son équipe vers plus de jeunesse. De toute façon, le plafond salarial va le rattraper à cet égard. Si j’étais DG du CH, je laisserais savoir à mes homologues qu’il n’y a pas d’intouchables sur l’équipe, non pas parce que je voudrais échanger tous les vétérans, mais bien pour attirer toutes les offres possibles et ainsi jauger mes options. Ce faisant, sans le dire ouvertement, j’espèrerais obtenir une offre valable pour Brendan Gallagher. Je persiste à croire que le contrat qu’on lui a accordé l’automne passé était une énorme erreur. On a vu que le CH aurait très bien pu s’en tirer sans lui. On le dit blessé à l’aine, alors à plus forte raison ça montre que le club peut s’en tirer sans lui, et l’échanger permettrait de ramener sans problème Danault, Armia et même Tatar. Pour le repêchage de l’expansion, je laisserais Shea Weber sans protection. Ça permettrait de garder le top-4 en défense, et si d’aventure Weber était réclamé par Seattle, ça libérerait 7.8 M$ sur la masse salariale. Assez pour payer un Seth Jones obtenu par voie de transaction, ou bien, de façon plus modeste, de signer un David Savard qui deviendra UFA et que Tampa ne peut pas payer. Savard est droitier et cela donnerait quand même un bon top-4.

Pour Seth Jones, si on se fie à la transaction d’Erik Karlsson à San Jose, le CH pourrait offrir Jake Evans, Ryan Poehling, Jesse Ylonen et ses choix de 1e ronde 2021 et 2022. Jones est un droitier et deviendrait le défenseur #1 du CH alors qu’il aura 27 ans en octobre 2021. Bien sûr, cette transaction serait conditionnelle à la signature d’un contrat à long terme par Jones à Montréal, et à l’échange de Shea Weber ou à sa perte à Seattle. Le CH a la profondeur dans son pipeline pour absorber le retour qu’il devrait donner. Ce n’est qu’un exemple de transaction possible, un ordre de grandeur de ce qu’il faudrait donner. Un Jonathan Drouin remis de ses problèmes pourrait remplacer un des joueurs que j’ai inclus. Cette transaction renforcerait de beaucoup le côté droit de la défense du CH, sans toucher au pipeline à gauche. Cela apporterait beaucoup plus de mobilité, sans sacrifier l’aspect physique, Seth Jones faisant 6’04 » et 215 lbs. Avec la percée du CH, Montréal pourrait devenir une destination intéressante pour Jones.

L’élastique du CH approche le point de rupture

Je n’ai pas aimé le match du CH hier. Le club avait l’air d’une équipe à bout de ressources. Les fragilités qu’on connaissaient déjà sont ressorties avec plus d’acuité, faiblesse chronique au cercle des mises en jeu, jeu offensif déficient, quatrième trio lent, troisième centre qui en arrache et perte de Petry qui se fait sentir. Aussi, Vegas était plus intense que Montréal et ils sont gros et physiques. Ajoutez à cela un Price qui a été bon par moment, mais qui a été à court de miracles. On a revu les « il n’y pouvait rien » ressortir. Je ne le blâme absolument pas, il n’a pas donné du but faible. Je souligne simplement qu’il est arrivé à court en terme d’arrêts de haut niveau, surtout au niveau de l’anticipation. Je souligne ça car sans cet apport de Price le CH n’a aucune chance. Ajoutez à cela que Vegas n’a pas perdu un de ses deux premiers centres pour une longue période pendant ce match, pas de coup de théâtre à la Tavares ou Scheifele.

Ceci étant dit, un match représente un faible échantillon. Rien n’est perdu, mais l’équipe aura besoin d’un regain collectif marqué et des joueurs comme Anderson et Gallagher devront se réveiller en produisant. Il s’agit des deux attaquants les mieux payés du club et ils sont sous contrat pour six autres années. Si ils continuent d’être des joueurs à l’impact marginal, ça n’augurera rien de bon pour la suite et ça confirmera les craintes par rapports aux généreux contrats qu’ils ont signés. Tatar doit se demander ce qu’il a fait de bien plus mauvais qu’eux. Paul Byron en est un autre qui n’a pas d’impact et qui n’a pas l’excuse d’avoir 20 ans. Ce club devra trouver une autre réserve de miracles pour progresser car la défensive de Vegas est de loin plus solide que celle de Toronto et particulièrement celle de Winnipeg et Price devra faire plus d’arrêts où plusieurs diraient qu’il n’y pouvait rien. C’est ce qui a permis au CH d’éliminer Toronto, et cet apport du gardien est vital si le club veut espérer sortir Vegas. Je ne blâme pas Price, je ne fais qu’énoncer une réalité. Il doit être meilleur que Fleury et il doit compenser l’avantage de Vegas dans les autres aspects du jeu. Sans un Price par moments miraculeux, il n’y aura pas de salut pour ce club.

Le pari gagné de Bergevin

Ça y est, le CH a réussi l’improbable, il a éliminé les Leafs en sept matchs et réussi un retour spectaculaire d’un déficit de 3-1, avec deux victoires en prolongation et en gardant son meilleur match pour la fin. J’ai titré que Bergevin a gagné son pari, mais Dominique Ducharme a aussi gagné le sien et s’est probablement assuré le poste d’entraîneur-chef permanent pour les prochaines saisons. La nomination de Ducharme, par intérim, en pleine saison, est d’ailleurs un des éléments du grand pari de Marc le mal-aimé. Ceci dit, Bergevin avait mis bien d’autres jetons au centre de la table pour cette saison. Il est allé à contre-courant avec le style de brigade défensive qu’il a assemblé, misant surtout sur la grosseur et la robustesse, aux dépens de la mobilité et de la relance rapide. Il a aussi misé sur deux très jeune joueurs de centre immatures, en froissant au passage l’ego de son pilier à la position, Phillipe Danault, qui n’est toujours pas sous contrat à long terme et dont la valeur s’est confirmée au cours de cette série. Le beau Marc aura de la jonglerie salariale à faire s’il veut garder son seul joueur québécois qui a prouvé être un pilier de cette équipe.

Là où Bergevin n’a pas parié, toutefois, lors de l’entre-saison passée, c’est avec la position de gardien de but. Échaudé par l’inconstance et la fragilité de son gardien #1 en saison régulière, il s’est assuré de consolider cette position en allant chercher Jake Allen, ce qui voulait dire qu’il allait consacrer près de 15 M$ de sa masse salariale à la position de gardien de but. Le bon Marc a gagné son pari global parce qu’il n’a pas pris de risque à cette position clé, parce que sans Jake Allen son club n’aurait même pas fait les séries. Ceci dit, la somme colossale investie par Bergevin à la position de gardien, au final, a rapporté plus que ce que la fortune que Toronto a investi en Matthews et Marner, du moins, pour cette année. Disons que Bergevin a sagement suivi l’adage voulant que c’est la défensive qui remporte des championnats, même si le CH ne gagnera pas la coupe, et au hockey, le dernier homme pour empêcher des buts demeure le gardien. Donc, sur ce plan Bergevin avait raison, même si plusieurs astres ont dû s’aligner pour lui donner raison.

Loin de moi l’idée de minimiser l’exploit de l’équipe montréalaise, car il s’agit bien d’un exploit, mais force est d’admettre que la perte de John Tavares, ultimement, a nui aux Leafs, et la perte de Jake Muzzin en a rajouté une couche. Selon moi, ça permet d’expliquer en partie la défaite de Toronto, mais ce n’est pas une excuse. Je continue de croire que même sans Tavares, les Leafs auraient dû achever le CH plus tôt, ce qui aurait pu prévenir la blessure de Muzzin. Un autre facteur à considérer est le fait que le CH a gagné deux matchs en prolongation. Je ne leur enlève pas de crédit, mais on sait très bien que dans ces circonstances ça peut aller d’un côté comme de l’autre. Ceci dit, le tournant de la série a été la passe à l’aveuglette affreuse de l’ancien du CH, Alex Galchenyuk, qui a mené au but gagnant de Suzuki en prolongation du match #5. Kyle Dubas, le DG des Leafs, doit se dire ce soir que l’acquisition de cet ancien haut choix de repêchage du CH était une fausse bonne idée. Le gars a joué pour six organisations de la LNH au cours des quatre dernières saisons pour une raison. Il semble que Dubas ait été incapable de voir cette raison.

En dernière instance, toutefois, et je l’ai déjà écrit sur ce blogue auparavant, les Leafs présentent un vice de construction évident. Ils ont beaucoup trop investi dans quatre joueurs d’attaque, et ainsi, il était forcément impossible d’investir ce qu’il fallait dans le reste de l’alignement, particulièrement en défense. C’était mieux cette année avec TJ Brodie à la place de Tyson Barrie, mais ce n’était pas encore assez solide. Dans les buts, il est clair que Price a eu le meilleur sur Jake Campbell, mais celui-ci n’a pas été mauvais du tout sur l’ensemble de la série. Bien sûr le citron accordé à Gallagher lors du match décisif a fait mal, mais compte tenu de l’attaque supérieure des Leafs, Campbell en a fait assez pour permettre à son club de gagner. Il n’a pas causé la défaite de son équipe dans cette série et l’écart entre lui et Price n’était pas monstrueux comme certains le laissent entendre pour pomper l’aura de leur favori. Ici le mot aura prend tout son sens, car le vrai bon Price, comme un saint, fait des apparitions, puis disparaît. Dans son cas, espérons que l’apparition va perdurer car le rythme des match contre Winnipeg va être intense et on a souvent blâmé les disparitions de Saint-Carey sur la surcharge de travail. Avec un match tous les deux jours il ne chômera pas.

Un autre aspect où le CH a eu le dessus, c’est au niveau du coaching. Sheldon Keefe a déclaré en début de séries qu’il n’avait pas à se soucier de qui le CH opposerait à son dynamique duo offensif. Ce fut très mal avisé de sa part. Il aurait mieux fait de tenter de soustraire plus souvent Matthews de l’attention de Danault. Aussi, Ducharme a été très fortement critiqué pour sa non utilisation du jeune Romanov, alors que Keefe lui a utilisé le jeune Sandin sans trop se poser de questions et cela lui a coûté. On ne saura jamais ce que Romanov aurait fait s’il avait joué dans cette série, mais un entraîneur qui gagne a le privilège d’avoir le dernier mot sur une décision controversée. Si le CH avait perdu, on aurait remis sur le nez de Ducharme cette décision. Cela aurait même pu lui coûter sa carrière dans la LNH. Alors bravo à Ducharme d’avoir eu le courage de ses convictions, même si ça allait à l’encontre de ce que 99% des partisans du club voulait. Maintenant ce sera les Jets bien reposés. On va prendre le temps de savourer un peu cette victoire sur les Leafs avant d’analyser ce qui s’en vient, tout en se souvenant, comme le disait le bon vieux Claude « Piton » Ruel, y en aura pas de facile.

Le mauvais examen pour Bergevin

Le titre du présent article peut prêter à confusion. On pourrait y voir une prédiction négative du résultat de la prochaine série contre Toronto, et ce faisant, en tirer un constat d’échec à propos du travail de Marc Bergevin qui a construit cette équipe, car cette fois-ci, il n’y a pas de doute, c’est bel et bien son équipe. Toutefois, ce titre veut exprimer tout le contraire. Ce titre indique que la performance du CH en séries cette année ne sera pas un examen valable pour juger de la qualité du travail de Bergevin comme DG car la performance à court terme de cette équipe en cours de rajeunissement, malgré les apparences, ne reflète pas l’exigence du travail de fond nécessaire pour enfin obtenir un club qui sera un réel aspirant à la coupe dans quelques années. La fameuse réinitialisation initiée en 2018, et dont on a tellement parlé, ne peut pas être complétée. Un tel processus prend plus que trois ans à donner de réels résultats.

Il y a beaucoup de confusion je trouve chez la gent journalistique et dans le commentariat sportif à l’heure actuelle à propos du statut de Marc Bergevin et de l’état de son équipe. À titre d’exemple, j’écoutais M-A Godin et Arpon Basu du site The Athletic à propos de la série à venir contre Toronto, et ils ne cessaient de revenir sur le fait qu’une défaite contre les Leafs mettrait gravement en danger l’emploi de Bergevin avec le club et qu’une défaite serait un constat d’échec de l’œuvre du DG montréalais, mais en même temps, ils donnaient Colorado et Caroline comme exemples de réussites dans la construction d’un réel aspirant à la coupe. Manifestement, ces deux journalistes sont confus, car les processus de construction au Colorado et en Caroline ont largement excédé trois ans. Pour l’Avalanche on parle au moins de 2013, avec la sélection de Nathan McKinnon comme point de départ, et du côté de la Caroline, on parle de 2014, avec l’embauche de Ron Francis et le choix de Sebastian Aho en 2015. Comme on peut le voir, ces deux clubs ont commencé leur processus de construction sérieux et compétent il y a sept ou huit ans et seulement aujourd’hui ils arrivent au statut d’aspirant sérieux. On pourrait ajouter Tampa Bay comme autre exemple de club gagnant qui ont construit sur une longue période.

Vous me direz peut-être que Ron Francis a été congédié en Caroline, que Steve Yzerman a quitté Tampa, et qu’ainsi, il n’est nul besoin de garder Bergevin à la barre pour continuer le processus. En théorie c’est vrai, mais en pratique changer le DG introduit un élément de turbulence inutile, à moins qu’il y ait une raison valide de remettre la qualité de son travail en question. Dans le cas de Bergevin, depuis 2018, il a commis très peu d’erreurs, et la qualité du repêchage semble s’être améliorée de façon notable. Alors il est loisible de se demander qu’est-ce qui justifierait congédiement? Les seules raisons qui semblent exister sont la fatigue face au personnage qui est en poste depuis neuf ans et le fait qu’on regarde ces neuf années comme un effort unique de bâtir un club gagnant, alors qu’en fait, l’ère Bergevin a été divisée en deux parties, soit 2012-2017, où le CH était bel et bien un club gagnant, parfois presque aspirant, puis 2018-2021, où l’équipe a sérieusement entrepris de se rajeunir et a assumé pour un temps ses carences. Molson avait un choix à faire en 2018, congédier Bergevin, qui avait raté son objectif initial de gagner avec Carey Price à son sommet, ou bien lui confier le mandat de rajeunir le club sans passer par les bas-fonds du classement pour plusieurs années. Il a choisi de garder Bergevin pour ce travail, le congédier après trois ans ans à cause d’une défaite contre une équipe clairement plus talentueuse n’aurait pas de sens.

Ce que j’essaie d’exprimer avec ce texte c’est qu’il est ridicule de dire que l’emploi de Bergevin dépend du résultat de la série contre Toronto. Cette série n’est pas un indicateur valide de l’état des choses. Même si par surprise le CH devait gagner, ce ne serait pas plus un indicateur valide. En fait, le résultat de cette série ne changera rien à l’état fondamental de la situation de cette équipe. Molson, dans son rôle de président qui supervise ultimement l’aspect hockey de l’organisation, doit être conscient de cela. Cette saison-ci est un espèce de pari sur les derniers milles de joueurs en fin de parcours au travers desquels ont a décidé de développer le futur de l’organisation. C’est un mélange qui en soit est voué à l’échec si le but est réellement de gagner la coupe, et dont le seul bénéfice réel est l’expérience qui sera acquise par les jeunes joueurs de l’équipe. J’espère vraiment que Molson est conscient de cela. Ceci dit, tout indique que malgré ses déclarations sur la fin du « reset », il en est conscient car Bergevin n’a pas touché à son pool de jeunes joueurs et très peu à sa banque de choix au repêchage. Le club se comporte comme une organisation qui n’a en rien renoncé au rajeunissement, mais qui refuse de tomber au fond du classement pour autant. Si c’est le cas, le poste de Bergevin n’est pas en danger. Si on le congédie après la probable défaite contre Toronto, ce sera un signe très clair que Molson ne comprend rien à la construction d’un club de hockey gagnant.

« Gros » malaise, grand risque

Une autre défaite du CH contre sa bête noire, cette année, Calgary. C’est un peu ironique quand on y pense car les Flames sont l’équipe la plus robuste de la division. Ils pratiquent aussi un style hermétique. On croirait entendre la description de ce que le club montréalais, version XL, cette année, devait être. Le problème c’est que pour Montréal la recette ne fonctionne pas vraiment. Ceci dit, le problème n’est pas nécessairement relié à la grosseur, Anderson, Edmundson et dans une moindre mesure, Perry, sont des ajouts positifs. Le problème en est un d’intensité et d’effort collectif, et à cela s’ajoute la faillite du groupe de leadership composé de Weber, Gallagher et Price. Les deux plus vieux sont en déclin marqué, alors que, tel que prévu, Gallagher paie pour son style usant axé sur sa présence courageuse devant le filet adverse. Finalement, en investissant dans le développement de deux très jeunes centres en même temps avec le grand club, l’équipe écope des conséquences à court terme de ce choix qui a de bonnes chances de payer à plus long terme.

La conséquence de tout cela est que le club se retrouve ce matin loin d’être assuré de la dernière place donnant accès aux séries. Si l’équipe devait rater son coup, la pression serait énorme pour que Molson procède au congédiement de Bergevin, ce qui entraînerait probablement un effet en cascade plus bas dans la hiérarchie. Autant je pense que Bergevin a erré avec Price, Weber et Gallagher, autant j’aime le reste de l’ouvrage depuis quatre ou cinq ans. Le club a une stratégie de repêchage nettement améliorée, et cela semble se refléter dans la qualité du club ferme et du pipeline. Il y a bien sûr l’échange de Sergachev pour Drouin qui tourne mal, mais je demeure convaincu que la qualité des deux équipes explique en partie le résultat de cet échange. Sergachev paraît mieux sur une équipe de tête et Drouin aurait lui aussi mieux paru s’il était demeuré à Tampa, et l’inverse est vrai pour les deux joueurs. Ceci dit, Drouin demeure un joueur très décevant. Il n’a jamais réussi à adapter son style de jeu au niveau de la LNH. L’échange pour Andrew Shaw fut aussi une grosse erreur car il a au moins coûté Samuel Girard. Dans le sens opposé, Bergevin a gagné haut la main les échanges qui ont amené Petry, Danault, Romanov et Anderson à Montréal, et je pense qu’à long terme le club sortira gagnant de l’échange Pacioretty.

Voilà, ma crainte c’est que de guerre lasse, en se disant que Bergevin est là depuis 2012, Molson panique pour acheter la paix avec les médias et les partisans. Pourtant, le constat à tirer des années Bergevin est clair. En voulant profiter des meilleures années de Carey Price il a mis sur la glace son plan de vraiment construire par le repêchage. En d’autres mots, les succès relatifs de ses premières années de mandat ont empêché la mise en exécution d’un « reset » dès 2012. Le club a donc flotté entre deux eaux pour quelques années, jusqu’au choc de la saison 2017/18, une reprise de 2011/12, et cette fois le « reset » a été mis en œuvre pour vrai sur ordre de Molson qui au lieu de congédier Bergevin a ordonné ce changement d’approche. Les résultats de ce changement sont très prometteurs, mais concurremment, Bergevin s’est accroché à ses vétérans et a octroyé de mauvais contrats à Price et Gallagher. Oui il y a eu le « reset » au niveau du repêchage et de la gestion des actifs, de manière générale, mais le club a refusé d’aller jusqu’au bout de la logique en pensant que Weber, Price et Gallagher étaient essentiels au succès du plan. La réalité, et j’y reviens toujours, c’est que les résultats du « reset » arriveront trop tard pour s’arrimer à Weber et Price. Suzuki, Kotkaniemi et Romanov tendent leurs mains pour agripper Price et Weber, au bord du précipice, mais ils sont incapables de les agripper et de retenir leur chute. Il est là le problème actuel de ce club, et la seule solution c’est de renoncer à retenir Price et Weber, mais cela ouvre vers une autre complication, c’est-à-dire que même s’il voulait se départir de ses deux vétérans durant l’entre-saison, le DG du CH en sera-t-il capable? Pourra-t-il trouver preneur pour ces contrats?

Tout cela nous ramène au dilemme de Molson, il a une organisation qui recrute et développe bien pour la première fois depuis longtemps, mais son DG a une tare importante qui noircit le portrait, cette tare c’est son émotivité qui se manifeste dans sa propension à tomber en amour avec certains de ses joueurs. Dans un monde idéal la solution serait simple. Le club garde Bergevin comme DG, mais le recadre sérieusement sur ses forces et lui expose ses faiblesses et demande un ajustement important de sa part. Cela éviterait de tout foutre en l’air et de repartir avec un DG peu expérimenté comme Bergevin l’était en 2012. Il y a une vertu dans la continuité. Une autre possibilité serait la nomination d’un président-hockey dont le seul rôle véritable serait de veiller à ce que Bergevin ne tombe pas de nouveau dans ses faiblesses émotives. Ceci dit, cela nécessiterait de décrocher du mandat d’entreprise d’essayer activement de faire les séries à chaque année. Je dis bien d’essayer activement, dans le sens d’objectif prioritaire à rencontrer à chaque année, au lieu de s’en remettre au développement naturel du club qui reposerait sur le bon recrutement et le bon développement. Le CH arrive près de ce point naturel issu du « reset », il n’y est juste pas encore tout à fait arrivé. Ce serait dommage de tout foutre en l’air cet été par manque de réalisme et d’encadrement du cadre principal de l’équipe.

Nouvelle photo, même réalité

Ironique que j’aie fini par changer la photo de Price à la demande de certains participants au blogue car je ne l’avais sûrement pas placée là au départ parce que je suis un grand admirateur du gardien. Mais comme mentionné souvent déjà, je l’avais mise là car ce club a été bâti autour de lui et que son contrat en fait une pièce incontournable (inamovible?) de l’architecture du club. En ce sens, la mise de l’avant de la photo de Kotkaniemi et Suzuki est prématurée. Ce n’est pas leur équipe encore, d’ailleurs, la rétrogradation toute récente de KK vient le réaffirmer. C’est encore le club des vétérans et tant qu’il en sera ainsi, il n’y aura pas de championnat en vue. L’ère Price est terminée, en terme de coupe Stanley possible, ou, à tout le moins, plausible, c’est juste que Bergevin ne s’en est pas encore rendu compte, de même que plusieurs partisans du club. Je le répète, ce club est dans une sorte d’entre-deux où ce qui compte c’est le développement des jeunes joueurs de l’organisation à tous les niveaux. Je persiste à croire que l’organisation est sur la bonne voie, malgré de petits faux pas, comme cette concession au très court terme qu’est l’échange de choix pour Staal, et sa préséance momentanée sur le futur du club. Il semble qu’il faille amuser la foule un brin en attendant que le cours naturel des choses amène plus d’excitation.

Bergevin: Stop ou encore?

Comme mentionné sur le sujet précédant, à la fin de cette saison, Marc Bergevin complétera sa neuvième saison comme directeur général des Canadiens de Montréal. À moins d’une grande surprise, qui mènerait le club loin en séries cette année, il y en aura pour dire que le club végète et qui demanderont sa tête. Le bilan de Bergevin est certes mitigé, et je pense qu’il est légitime de se demander si il devrait rester en poste. Après tout, il n’a pas vraiment fait de l’équipe une des meilleures de la ligue et il a eu suffisamment de temps pour le faire. Si à ses premières années, on pouvait l’excuser en prétextant qu’il ne pouvait faire de miracles avec ce dont il avait hérité de l’administration précédente, cette excuse ne tient plus. Le club actuel est totalement celui de Bergevin. Les deux seuls survivants de l’époque Gainey/Gauthier, il les a endossés complètement en leur offrant des contrats monstrueux. Je parle bien sûr de Price et Gallagher. Ceci dit, il reste encore quelques joueurs sur l’équipe qui proviennent directement d’échanges impliquant des joueurs de l’époque Gainey/Gauthier, Weber pour Subban, Tatar et Suzuki pour Pacioretty. Le reste est le fruit du repêchage, des échanges et des signatures faites par l’administration Bergevin.

Bien sûr, un élément qu’il faut continuer de garder en tête lorsqu’on analyse le bilan de Bergevin, jusqu’à date, est le contexte particulier dans lequel il se retrouve à Montréal et le mandat de faire les séries qui lui a toujours été donné. Bergevin a toujours souscrit à ce mandat dans ses déclarations publiques, et je pense que comme ancien joueur il adhère sincèrement à cette idée. Cette volonté de se battre pour faire les séries à chaque année est inscrite en lui. Il y croit. Je mentionne cela car plusieurs de ses détracteurs lui ont reproché de ne jamais avoir été prêt à payer le prix d’une descente volontaire au classement. De ne jamais avoir adhéré au concept de reconstruction totale. Il est important d’établir ce point car la faiblesse flagrante de l’édition actuelle du CH est l’absence dans son alignement d’un ou deux joueurs de très haut calibre. Le genre de joueur à la Crosby, McDavid ou Matthews qu’on obtient génralement en repêchant premier au total, ou en tombant sur une très bonne année pour avoir un choix top-5 et un peu de chance. Le CH a repêché deux fois top-5 sous Bergevin, en fait, deux fois au rang #3, et ce n’était pas dans des années exceptionnelles. Pour 2012 on en est certain, et pour 2018, il ne semble pas y avoir de Draisatl que le CH aurait pu prendre à la place de Kotkaniemi.

Ceci étant établi, le bilan de Bergevin doit être interprété à l’aune de ce constat. Le club n’a pas de joueur de très haut niveau pour des raisons de philosophie d’organisation et par absence de chance les deux années où il a piqué du nez au classement. Ceci dit, de très bons joueurs peuvent être obtenus au repêchage sans finir parmi les derniers, mais le club n’a repêché dans le top-20 que deux fois lors des six premières années de Bergevin, et cela donne Drouin et Anderson à l’équipe actuelle. Les quatre autres choix de première ronde étaient tous des choix tardifs, #25, #26, #26, #25. Scherbak et McCarron ont été des flops et Juulsen a été fortement ralenti par les blessures. Il reste donc Poehling comme espoir direct de ces six premières années en première ronde. Celui-ci a 10 points en 13 matchs actuellement à Laval, dont six à ses trois derniers matchs. Il semble en voie de devenir un joueur de la LNH. Sinon, Bergevin a eu trois autres choix top-20, Kotkaniemi, Caufield et Guhle. On sait déjà que Kotkaniemi sera bon, on ignore juste jusqu’à quel point il le sera. Caufield a un talent de marqueur qui semble vraiment spécial à un niveau de jeu inférieur, la seule question dans son cas demeure sa taille. Si il était plus imposant physiquement il serait considéré sans aucun doute comme une future vedette. Guhle lui semble un futur défenseur top-4 assuré. La question est de savoir s’il pourra devenir un défenseur de première paire.

Ce qu’on semble pouvoir conclure du repêchage de Bergevin en première ronde, c’est qu’il a fait un bon travail, avec Timmins, dans le top-20, mais, sans surprise, cela a été plus mitigé lors de ses quatre choix vers la fin de la première ronde aux rangs #25 et #26. Ces quatre choix sont survenus lors de ses six premières années, ce qui n’aide pas beaucoup l’alignement actuel, surtout que le seul choix qui semble avoir été bon, Poehling, est le dernier du lot, en 2017, et que le joueur n’est pas encore tout à fait prêt à contribuer. Par rapport au repêchage, il est aussi à noter qu’il y a eu un changement clair de stratégie à partir de 2018 où le club a décidé d’adopter l’accumulation de choix pour augmenter ses chances de succès. Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette approche, car les joueurs repêchés sont encore trop jeunes, mais ça semble fonctionner et des observateurs extérieurs considère actuellement que le pipeline de prospects du club est un des meilleurs de la ligue.

Pour le reste, le travail de Bergevin consiste à effectuer des échanges et à faire signer des contrats, soit à ses propres joueurs ou bien à des joueurs autonomes. Je pense que la feuille de route de Bergevin au niveau des échange est claire, il est un des meilleurs de la ligue à cet égard. Il perd pratiquement jamais un échange et il a réussi plusieurs coups fumants, Danault-Romanov, Suzuki-Tatar, Petry, Anderson, Allen et Armia. Le seul échange plus mitigé est celui de Drouin pour Sergachev. On peut dire qu’il l’a perdu, mais pas par une marge énorme. Sergachev ne paraîtrait pas si bien s’il était resté à Montréal. Finalement, on en vient à la faiblesse de Bergevin, les offres de contrats. Il a réussi quelques bons coups en début de mandat avec Pacioretty et Gallagher, mais depuis ce temps c’est très difficile à ce niveau. Price, Alzner, Subban, Gallagher #2, Anderson et Byron sont autant de mauvais contrats ou de contrats trop généreux, tout cela sans compter les offres de contrats faites où le refus du joueur ciblé l’a sauvé, Lucic, Duchene et Gardiner. Ajoutez à cela l’offre hostile à Sebastian Aho qui demeure difficile à comprendre tellement elle avait peu de chance de réussir. En cas de réussite, Caufield, Struble et Fairbrother ne seraient pas dans le pipeline du club. Vous me direz que vous feriez cet échange aujourd’hui, mais on ignore ce que donneront ces trois jeunes joueurs, et l’ajout de Aho n’aurait pas fait du CH un aspirant à la coupe pour autant. Ce geste ressemblait à un geste de panique pour améliorer le club à court terme dans le but de faire les séries. Toujours le même objectif qui teinte la ligne directrice du club, Bergevin ou pas. Cette ligne directrice relève de Molson.

Au final, quelle conclusion tirer des années Bergevin jusqu’à maintenant? Personnellement, j’y vois une organisation qui en début de mandat s’est accrochée à un Carey Price à son meilleur et à un entraîneur mal aimé, mais aussi mal apprécié, Michel Therrien. Durant les années Therrien le club a connu passablement de succès, ce qui a mené à des choix de première ronde tardifs qui ont mal tourné. Avec le déclin de Price et le congédiement de Therrien, le club a connu des ennuis au classement. L’embauche de Claude Julien n’a pas permis de rétablir la situation, cela a mené au mandat du « reset » donné par Molson et exécuté par Bergevin, à qui on a donné une seconde chance. Celui-ci a fait du bon travail depuis le début de cette réinitialisation. La philosophie de repêchage du club a été modifiée pour le mieux. Plusieurs échanges favorables ont été conclus, mais la gestion des contrats demeure problématique. Ceci dit, je pense que Bergevin a appris en effectuant le travail. Il est à mon avis un meilleur DG aujourd’hui qu’à ses débuts, mais l’organisation dans son ensemble, en partant avec Molson manque encore de patience.

Comme je l’ai répété dernièrement, le club est assis entre le passé et le futur actuellement, ce qui donne encore des résultats mitigés sur la patinoire, mais si l’organisation a suffisamment de discipline pour persévérer avec leur pool de jeunes joueurs, des jours meilleurs sont à l’horizon. Il s’agit juste de ne pas paniquer pour un autre colmatage à court terme. La faiblesse de l’organisation demeure l’absence dans ses rangs d’un ou deux joueurs de très haut niveau, et il ne semble pas y en avoir dans les prospects non plus, mais il y a beaucoup de jeunes avec le potentiel pour devenir de très bons joueurs, juste pas du niveau de joueurs dominants. Je pense qu’il serait mal avisé de venir chambouler la direction de l’équipe en congédiant Bergevin, surtout si on demande à son remplaçant d’obtenir des résultats au plus vite. Ce serait la recette d’une autre rechute, d’un autre recul comme celui des mouvements de panique posés en vue du centenaire du club en 2008 et 2009. Bergevin n’est pas parfait, mais je pense que l’aider à améliorer sa faiblesse au niveau des contrats est la solution. Il s’acquitte bien maintenant du reste du travail et la profondeur de l’organisation est à un niveau inégalé depuis les meilleures années de Serge Savard. Je ne dis pas que le club gagnera la coupe dans les années à venir, dans une ligue à 32 équipes ce serait présomptueux que d’avancer une telle chose, mais je pense vraiment que le club approche du moment où il aura suffisamment de bons jeunes à maturité en même temps pour être une des bonnes équipes de la ligue.